A cette somme, il est judicieux de rappeler que le gouvernement Mikati aujourd’hui démissionnaire avait fait part de son intention de commander pour 5 milliards de dollars d’équipements militaires au cours des prochaines années et qu’au début de l’année prochaine, une conférence internationale sera organisée pour décider également d’accorder une aide supplémentaire de 1,6 milliards de dollars à cette même institution militaire. Ces 2 derniers facteurs sont pour le moment théoriques alors que l’aide saoudienne serait concrète et quasi immédiate.
Ce nouveau développement était prévisible et explique notamment le nouvel alignement de l’institution présidentielle qui était notamment venue au secours du royaume saoudien alors que le mouvement chiite Hezbollah l’avait accusé d’être à l’origine des attentats qui ont visé la banlieue Sud de la capitale libanaise. La Présidence de la République avait alors dénoncé ces attaques verbales dans un communiqué de presse.
Ce don induit également de nombreuses interrogations quant au fond et à la forme qu’il prendra, les précédentes offres d’aides à l’institution militaire ont été ou vite oubliée comme les missiles antichars Hot devant équiper les Gazelles et jamais livrées ou encore les Mig 29 offerts par la Russie rapidement refusés sous la contrainte de l’état hébreu. Cette aide militaire russe s’était alors transformée en proposition d’équipement en hélicoptère d’attaque d’origines russe et finalement elle ne se sera également jamais concrétisée.
Une aide en raison de la lutte d’influence entre Iran et Arabie Saoudite?
Dans un contexte de lutte d’influence entre l’Arabie Saoudite et l’Iran et leurs proxys libanais respectifs, à savoir entre le Courant du Futur décrit désormais comme parti sunnite modéré et désormais également les différents groupes plus extrémistes qui agissent notamment dans le conflit syrien et le mouvement chiite Hezbollah également impliqué dans ce conflit, la présidence libanaise prend le risque de se voir accuser de parti pris. La concrétisation de cette aide semble donc être sujette à des difficultés internes, le calcul saoudien étant qu’un renforcement de l’armée libanaise pourrait faciliter un désarmement du Hezbollah et donc permettre au Royaume de regagner une certaine influence régionale. Cependant, c’est un pari risqué, qui ne peut se faire sans une première étape d’une offre de garantie sécuritaire de la part de l’état vis-à-vis des menaces actuelles et notamment les menaces israéliennes contre la population chiite du Sud Liban constituant le principal soutien du parti chiite. Et ce calcul ne manquera pas une nouvelle fois de faire l’objet d’un véto israélien comme nous le verrons.
Autre point concernant l’aide elle même et les difficultés à laquelle elle ne manquera pas de faire face, pourront-elles êtres surmontées alors que le mandant de la présidence s’achèvera en mai prochain? Rien n’est moins certain, d’autant plus que cette aide militaire ne pourrait pas être sans contrepartie d’ordre politique en faveur des alliés libanais de l’Arabie Saoudite et donc aggravant plus encore le conflit communautaire entre chiites soutenus par l’Iran et sunnites soutenus par le royaume Saoudien et donc réduisant l’impact d’une armée garante forte et équidistante vis à vis de tous à un rôle de partis pris.
La deuxième interrogation concerne le matériel militaire qui pourrait être offert et les besoins de l’armée libanaise sont très diversifiés.
L’armée libanaise est techniquement faible comme le souligne bien la presse internationale aujourd’hui. Le rôle qui lui a été dévolu depuis la fin de la guerre civile s’apparente plus à celui d’une super police locale qu’à une force pouvant faire face aux menaces extérieures principalement incarnées par un contexte régional difficile, conflit israélo-palestinien ou conflit israélo-arabe avec la présence des fameux camps palestiniens qui échappent à la souveraineté de l’état libanais ou aujourd’hui désormais la guerre civile syrienne. Nahr Bared en 2007 et les derniers évènements à Tripoli encore une fois au Nord Liban ont démontré les grandes difficultés de l’armée libanaise à intervenir dans un environnement urbain dense. Des équipement de guerre urbaine sont donc d’abord nécessaire afin que l’institution militaire puisse poursuivre cette mission de sécurité locale
Le contrôle des frontières libanaises que cela soit avec la Syrie ou Israël induit également des besoins différents, l’armée de l’air est totalement dépourvue aujourd’hui de capacité défensive, l’espace aérien libanais étant sujet aux nombreuses violations israéliennes quasi quotidiennes.Le Liban, dans le domaine devrait donc aussi bien considérés les systèmes de défense au Sol, missiles anti-aériens en premier puis élargir ses demandes pour des avions de combats nécessaires pour reconquérir son espace aérien.
Enfin l’exploitation à venir de ressources pétrolières et gazières dans l’espace économique maritime induit le développement d’une force maritime aujourd’hui quasi à l’état embryonnaire. Ce volet sera bien entendu sujet au véto israélien qui avait déjà effectué un forcing diplomatique envers Moscou lors de l’affaire des Mig 29. Tel Aviv estime en effet que tout armement moderne accordé au Liban pourrait tomber entre de mauvaises mains, agitant notamment assez souvent les menaces d’attaquer l’armée libanaise en cas de conflit en raison de ses liens avec le mouvement chiite et cela en dépit des inventaires pourtant bien tenus de l’armée libanaise.
L’offre d’aide à l’armée libanaise est peut-être salutaire sur la forme parce que le Liban n’a tout simplement pas les moyens financier de faire face aux différents défis qui s’annoncent à lui dans un environnement marqué par les différents conflits régionaux, conflit israélo-arabe avec la présence palestinienne jamais résolu depuis 1948, aujourd’hui conflit irano-saoudien qui est communautaire entre chiites et sunnites et qui s’est concrétisé en Syrie et qui risque de déborder au Liban, etc… mais sur le fond, cette aide pose problème à plusieurs titres. Encouragerait-elle une sédition supplémentaire au sein des différentes communautés? Fera-t-elle l’objet d’un véto sur un certain nombre d’équipements pourtant nécessaires de la part de la communauté internationale, et enfin quels seront les équipements disponibles à l’Armée Libanaise?
Mais toujours est-il qu’il faudra donc attendre à en connaître les dessous, tant politiques que militaires pour savoir si réellement cette aide sera bénéficiaire ou pas au pays des cèdres.
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