Jean d’Ormesson, un libanais de coeur

Ma découverte de Jean D’Ormesson est également celle de l’intérêt de la Politique. J’avais en effet assisté à la retransmission en 1992 par la télévision d’un débat à la Sorbonne entre le Président de la République Française d’alors, François Mitterrand et Jean D’Ormesson venu l’interpeller devant l’audience sur différents sujets et notamment le traité de Maastricht.

J’avais alors découvert que la politique n’était pas fait que de violence, mais également d’une courtoisie avec son adversaire. Il y avait là entre les deux hommes, un profond respect dans le désaccord, des échanges de fleuret mouchetés aboutissant non pas à l’avilissement de l’un de l’autre mais à l’élévation commune du niveau du débat. La leçon que j’ai appris ce jour-là était que les grands adversaires s’estiment et se respectent.

Ayant été l’un des adversaires les plus acharnés de François Mitterrand sur le plan intellectuel, il était devenu, aussi, l’un de ses visiteurs les plus réguliers au crépuscule de sa vie, échangeant avec lui, dit-on, des concepts de la Vie après la Mort et de la Réincarnation.

Jean d’Ormesson était un gentleman de l’analyse finement politique comme on en fait plus, un aristocrate de la Pensée, dépeignant des chroniques politiques comme un roman, nous tenant toujours en haleine. Il nous réconciliait avec une vision morose de la vie politique en la transformant en épopée littéraire et faisant qu’on en attendait les prochains épisodes.

Homme de valeur, on se souviendra dernièrement d’autant plus de lui par son combat pour les Chrétiens d’Orient face notamment aux exactions commises par Daesh en Syrie, estimant qu’on devait être être tous des Chrétiens d’Orient. Il était devenu la conscience d’une Europe, une voix dans un silence assourdissant.

Ce n’était pas la première qu’il s’intéressait à la région complexe du Moyen Orient et à ces chrétiens par ailleurs oubliés, il aimait à dire qu’il possédait même un passeport libanais,  -celui là même que beaucoup aujourd’hui rejettent au profit d’un autre d’un pays étranger -remis par le Général Aoun lors de l’épisode de la Guerre de Libération lors du conflit civil de 1975 à 1990. Il en était fier, le rappelant même lors d’une de ses chroniques publiées par le Figaro dont il fut l’une des voix les plus respectées. Académicien, Eternel, il soulignera également ce fait à un Amine Maalouf tout juste élu. Libanais d’honneur, il ne l’était peut-être pas de naissance, mais surtout par son coeur.

Jean d’Ormesson est certes parti, mais il nous laisse des leçons, celle d’un homme courtois, celle d’une certaine culture, mêlant la politique et l’art de la littérature et des belles écritures, celle du respect, celle des valeurs. La liste commence à être longue, la faute étant au caractère exceptionnel de cet homme, comme on n’en fait malheureusement plus.

Et pour conclure, rien n’est plus beau que sa propre citation au sujet de l’au-delà, nous rappelant cette humblesse de cet Homme face à ce destin extraordinaire qu’il a pourtant vécu:

« La naissance est le lieu de l’inégalité. L’égalité prend sa revanche avec l’approche de la mort. »
Jean d’Ormesson, né le 16 juin 1925 et décédé le 5 décembre 2017