La nouvelle de l’arrestation du réalisateur libanais Ziad Doueiri hier soir à son retour du Festival de Venise ou il s’est illustré pour son film « l’Insulte » et une récompense décernée à Kamal al Bacha pour son rôle, a largement circulé dans les réseaux sociaux.
Depuis libéré tout en ayant vu son passeport être confisqué, Ziad Doueiri s’est vu signifié sa convocation par la Sureté Générale ce lundi en vue d’un interrogatoire. Il est accusé d’intelligence avec l’ennemi.
En dépit d’une entrée avec un passeport français qui devrait être synonyme de protection, son arrestation est motivée par le fait qu’il a tourné son film « L’Attentat » en Israël et plus précisément à Tel Aviv. Il n’était pas allé dans ce pays avec son passeport libanais mais déjà avec son passeport français. On lui reproche donc non pas seulement d’être allé en Israël mais également d’avoir travaillé avec notamment des acteurs israéliens.
Les circonstances de son arrestation sont quelques peu troublantes. En dépit du fait qu’il s’est à nombreuses reprises rendu au Liban depuis la réalisation de son film, Ziad Doueiri s’est fait arrêté à son retour du Festival de Venise, n’épargnant pas le Liban d’une mauvaise publicité. Le timing est quelque peu suspect.
La carrière de Ziad Doueiri se confond avec l’Histoire du Liban. De son chef d’oeuvre « West Beirut », on retiendra la perte de l’innocence de 3 enfants durant la guerre civile. Il poursuit l’analyse socio-économique du Liban et au-delà, du Moyen Orient via ses oeuvres comme ‘L’Attentat », ou l’Histoire d’un chirurgien palestinien qui découvre que son épouse est une kamikaze ou « l’insulte » aujourd’hui que je vous convies à aller voir pour ne pas vous spoiler.
Par ses films, on découvre un déchirement, celui non pas général, mais ce déchirement individuel d’un pays et d’une région qu’on aime mais que nous subissons par l’Histoire et le vécu ou chacun peut se reconnaitre. Ces histoires sont en fin de compte les nôtres.
De cet épisode dans la vie culturelle du Liban, certains réclament une normalisation des relations avec Israël et d’autres dénoncent l’ennemi. Il convient de faire la part des choses.
La culture est différente de la politique. Il y a même un aspect antagoniste entre les 2. Israël, faute d’un règlement global de différentes questions, comme la question du retour des réfugiés palestiniens présents au Liban, de la question des territoires libanais situés au sud de la Ligne Bleue mais après la Ligne Paulet Newcombe toujours occupés par Israël, la question de plus en plus prenante des ressources hydrauliques ou aujourd’hui des hydrocarbures, sont autant de dossiers toujours sur la table de négociations qui n’ont pas lieux.
C’est aussi oublier que les Israéliens tentent en ce moment même de s’accaparer des pans entiers de la culture levantine dont le Liban, tout comme les palestiniens ou les syriens sont récipissaires. On se souvient de la guerre culinaire du Hommos ou encore de la figuration dans les musées israéliens d’artefacts phéniciens libellés sous une période biblique.
Le film israélien Lebanon, réalisé par Samuel Maos, a également en son temps provoqué une polémique au Liban sur une réécriture des évènements de la guerre fratricide de 1975 à 1982. Les israéliens osent et nous n’osons pas affronter notre Histoire au risque même d’affronter ensuite une réécriture forcée de notre passé et de ne plus pouvoir y faire face.
La faute revient peut-être aux Libanais eux-même, incapables d’assumer leur histoire et leur culture et devant par conséquent se faire violence et « chercher ailleurs ». Peut-être c’est ainsi que Ziad Doueiri, dont la qualité artistique est indéniable, au travers d’oeuvres des tourments de la Guerre Civile et de ses suites, de ses conséquences, a dû procéder et ce dont il est aujourd’hui accusé. Il a dans cette affaire des circonstances atténuantes parce qu’on refuse de notre côté de faire face à cet « attentat » permanent qui nous renie notre passé. La résistance face à Israël, c’est aussi les Libanais eux-aussi qui doivent y faire face par la Culture, l’Art, la Science et bien d’autres choses.