C’est sur le récit d’une tentative d’assassinat effectuée par ses propres frères et par son oncle contre sa personne que s’ouvre « Le Prix à Payer » aux éditions L’Oeuvre par Joseph Fadelle paru le 25 mars 2010, un récit autobiographique d’un jeune chiite d’une grande famille irakienne. Tout lui était destiné, lui, héritier de la ligné patriarcale d’une tribu, qui se christianisera à l’occasion d’une rencontre avec son voisin de chambre chrétien – le jeune Mohammed Moussaoui s’étant mis dans la tête de le convertir à la religion musulmane- alors qu’il effectuait son service militaire lorsque l’Irak vivait toujours sous le régime de Saddam Hussein et était en pleine guerre avec l’Iran. Devenant apostat aux yeux même de ses proches et faisant l’objet d’une fatwa le condamnant à mort pour son acte, il sera alors touché lors de cet acte, peut-être blessé à mort, et sa vie défilera devant ses yeux pour nous la livrer.
Il n’est pas sans dire tout de suite que ce livre prend une connotation toute particulière quand on réside en tant que Chrétiens au Moyen-Orient, surtout qu’on m’a offert cet ouvrage avant qu’il ne soit censuré – sans que grand monde n’en parle d’ailleurs ici – à l’occasion de mon anniversaire en février dernier. C’est donc un peu par chance que j’ai pu m’atteler à sa lecture cet été. L’acte de conversion reste un acte difficile, guère accepté par les communautés religieuses quelles qu’elles soient. On peut ainsi constater d’ailleurs que la problématique de la conversion dans un sens ou dans un autre a dégénéré en émeutes entre Chrétiens coptes et Musulmans sunnites cette année encore en Égypte, et nos plus anciens se souviendront des rixes inter-communautaires qui ont eu lieu au Liban dans les années 50 suite à la conversion d’une musulmane sunnite issue d’une famille tripolitaine, me semble-t-il, et à son exil forcé, ainsi que du prêtre accusé à l’époque de prosélytisme. Plus proche de nous, une ressortissante américaine a été assassinée au début des années 2000 dans les souks de Saïda, également accusée de prosélytisme religieux.
Joseph Fadelle livre ici son témoignage de la vie quotidienne d’une partie de la population irakienne à l’époque avec une plume qui manie avec une grande aise, un style simple et direct, d’un membre d’une tribu descendante du Prophète, à l’image pieuse dont font également partis l’Ayatollah Khomeini ou encore le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah et donc éparpillée du Liban à l’Iran. C’est en rencontrant Massoud, un chrétien âgé d’une quarantaine d’année dans un poste militaire situé à proximité de Bassorah au Sud de l’Irak, et plus précisément à l’arrière du front, que Mohammed Moussaoui rencontrera d’une certaine manière, son destin, il s’agissait alors d’une première rencontre même avec une personne appartenant à cette religion monothéiste, lui qui avouera d’abord son aversion puis sa surprise – il ne sent pas mauvais comme il pensait de tout chrétien d’abord – et enfin son plaisir à dialoguer avec Massoud. Sans vouloir rompre le suspense, la tentative d’assassinat, qui s’est déroulée alors qu’il se trouvait en Syrie, échouera et Joseph Fadelle se réfugiera finalement en France, bénéficiant de l’asile politique. C’est ainsi qu’il pourra nous livrer ce récit autobiographique.
La parution de cet œuvre intervenait alors que les Chrétiens d’Irak connaissaient – et connaissent aujourd’hui toujours d’ailleurs sans pour autant qu’on n’en parle actuellement – une passe difficile avec une série d’attentats visant notamment en novembre 2010, une église faisant 58 morts et une quarantaine de blessés. D’un million dans les années 1980, les Chrétiens d’Irak, essentiellement des personnes appartenant à la communauté Chaldéenne, seraient 636 000 en 2005 et encore moins aujourd’hui. Certains chiffres font état de 450 000 personnes seulement actuellement, principalement visées par les extrémistes religieux sunnites dont Al Qaida.
Témoignage d’un Irakien converti au Catholicisme by sedevacantisme
Un peu à l’image de Joseph Fadelle, le Liban a connu le cas d’un jeune chiite Afif Ousseiran, né en 1919, auquel un film a été dernièrement consacré. Après des études consacrées à l’Islam à la fondation Makassed puis à l’American University of Beirut, et à l’issue d’une expérience mystique dans une Mosquée Beyrouthine, ce dernier entamera une étude sur les différentes religions qui le pousseront à se convertir à la religion catholique, œuvrant de la sorte au rapprochement des 2 religions, musulmanes et chrétiennes. Il sera aussi connu pour son dévouement en faveur des plus déshérités, le poussant jusqu’à aller vivre avec eux, raison pour laquelle il sera d’abord rejeté par sa famille, puis à faire l’objet d’une profonde admiration de cette dernière, contrairement à celle de Mohammed Moussaoui. Il devenait ainsi un pont entre riches et pauvres, entre Chiites et Chrétiens. Peut-être est-ce également là, ce qui poussera, certains, durant la guerre civile, à vouloir mettre fin à sa vie. Lui aussi échappera à une tentative d’assassinat en 1986 avant de s’éteindre paisiblement en 1988. Le Père Ousseiran, dont la mission se poursuit aujourd’hui au travers d’une association, fait actuellement l’objet d’une demande de Béatification auprès du Vatican pour son action publique.