14 mars 2005. Près d’un quart de la population était dans les rues, pour exprimer son raz-le-bol contre un système, celui de l’occupation syrienne. Les espérances étaient grandes à l’époque pour celles et ceux qui manifestaient. Il s’agissait de la plus grande manifestation qu’a connu le Liban, avec un million de personnes dans le centre-ville de Beyrouth.
En 2005, tout comme en 2019, tous les libanais étaient rassemblés, chrétiens et musulmans pour une cause commune. Tout comme en 2005, c’était une révolution de jeunes.
Une autre différence, aujourd’hui, les manifestions, contrairement à 2005, ne sont pas concentrées au centre-ville de Beyrouth. Les manifestants coupent les routes, quand en 2005, elles étaient ouvertes. La leçon à y voir est que les manifestants actuels risquent de se mettre à dos aussi, une autre partie de la population. Par exemple; hier les services d’urgence comme les ambulances n’arrivaient pas à franchir certains barrages.
Le 14 mars, une révolution qui s’est soldée par un échec du changement du staff politique déjà en place du temps de l’occupation syrienne
Cependant, le 14 mars 2005 a également été un échec. En lieu et place d’une révolution à proprement parlé, on a obtenu le retrait des troupes syriennes présentes au Liban depuis 1976, de manière pacifique, ce que les générations précédentes n’avaient pu obtenir – ce côté pacifique qui a permis principalement d’obtenir le soutien de la communauté internationale. – mais on n’a pas malheureusement pas obtenu un changement de staff politique à l’appel de la même classe politique qui contrôle aujourd’hui le Liban, à savoir « rentrez chez vous, on s’occupe de tout maintenant ».
Ils étaient déjà Président de telle institution, Ministres des gouvernements précédents, députés, principaux récipiendaires d’organisations publiques et certains d’entre eux sont toujours présents sur la scène politique jusqu’à aujourd’hui et d’autres qui ont disparu de la scène politiques mais à qui des héritiers ont succédé.
Certains ont vu leur nom déjà être évoqués dans certaines affaires mais comme tout le monde se tient les uns et les autres par les affaires et les lignes rouges posées par le fonctionnement sectaire, aujourd’hui ils sont clos.
Effectivement, ils se sont bien occupés de se remplir les poches en mettant à contribution un système de détournement de fonds mis en place du temps de l’occupation syrienne, cette fois-ci, à leurs propres profits en le perfectionnant.
Il serait dur à croire que ces personnes ne font que « se mettre de l’argent dans les poches », ils utilisent des mécanismes bien plus sophistiqués.
La crise actuelle a des causes économiques, mais ces causes économiques sont-elles, la conséquence non pas seulement d’une mauvaise gestion de la dette publique, mais également par la mise à profit d’un système économique déjà mis en place du temps de l’occupation syrienne à leurs propres profits.
L’échec s’explique par le fait d’avoir gardé une classe politique issue de la période de l’occupation syrienne. Au lieu que le Liban finance la Syrie et une partie de sa classe dirigeante ainsi que leurs alliés libanais comme précédemment – et pour rappel le scandale de la banque Al Madina avec 4 milliards de dollars de fonds disparus, on ne sait toujours où, – une partie de ces alliés se sont recyclés en mettant à leurs propres profits ce système de financement.
Mais ces personnes précisément, étant précédemment des complices dans le vol de l’état.
Des exemples d’abus des finances publiques, par les banques ou encore par des hommes liés au pouvoir politique
Prenons quelques exemples de vols à grande échelle au Liban.
L’état lance une émission obligataire dont les souscripteurs ne sont qu’autre que des banques liées à ces politiciens. Ainsi, l’argent des déposants est siphonné vers un endettement public qui augmente, et les intérêts de cette émission sont reversées en petite partie aux déposants et en grande partie en dividendes. Le maintien de la parité avec la livre libanaise et les forts taux d’intérêts, donc d’une politique monétaire allant dans le sens de cela était un des facteurs essentiels également pour faire apparaitre les placements au Liban comme étant attractifs. Jusqu’à ce que ces artifices ne suffisent plus et que la réalité économique d’un pays dont tous les signes virent au rouge depuis des années apparaissent avec notamment la dégradation des notes des obligations libanaises et donc du risque d’investir au Liban.
Cela allait bien par conséquent jusqu’à ce que le cash-inflow diminue vers le mois de mai, ce qui est un des facteurs expliquant la crise de liquidité actuelle sur les marchés comme celui qu’on a vécu en fin d’été.
Cette méthode est une application plus complexe du système Pontzi, non à l’échelle d’un escroc mais à l’échelle d’un pays tout entier cette fois-ci. On ne peut pas dire qu’ils n’ont pas su innover durant 25 ans.
L’effet secondaire de ce mécanisme est, outre l’augmentation de la dette publique, le fait que les banques ne stimulent plus la consommation ou l’investissement privé, ce qui aggrave encore plus la situation puisque cela nuit à la croissance économique elle-même.
Rappelons qu’ici les principaux bénéficiaires ne sont pas les hommes politiques comme tels mais les propriétaires des banques, qui sont aussi souvent impliqués en politique.
Autre cas, l’état passe un appel d’offre pour un marché attribué à une entreprise de BTP par exemple, appartenant à un politicien avec des délits d’initiés, par exemple, avec parfois, un cahier des charges adaptés pour ne laisser aucune chance aux autres compétiteurs.
Dernier exemple, l’état a abandonné des services publics pourtant rentables à des intérêts privés, comme les services postaux par exemple qui n’étaient pas précédemment efficaces mais qui auraient pu l’être, et a pris en charge des services qui n’étaient pas rentables, ce qui a aussi creusé les déficits publics.
Sur le terrain, on peut mieux comprendre aujourd’hui à quoi cela nous a mené, notamment avec la fameuse Crise des Ordures de 2015 par exemple, qui s’explique par le fait que Sukleen était une caisse noir de certains partis politiques avec un prix à la tonne d’ordure parmi les plus élevés au Monde.
La fermeture de la décharge de Naameh, à l’origine de la crise était motivée par la volonté de certains hommes politique de renégocier sur le pourcentage de parts qui leurs sont accordés en instrumentalisant les revendications légitimes de la population locale. Sans accords, cela a abouti à la laisser cette décharge être de facto fermée, et à cette crise de perdure jusqu’à aujourd’hui.
Jusqu’à présent, les personnes impliquées au sein du système judiciaire, dans la lutte contre la corruption, se sont toujours plaintes de ne pouvoir attaquer que les petits escrocs et jamais les gros à cause justement de la complexité de ces dossiers et de leur sophistication.
Et pour conclure, il ne faut pas se tromper de cibles
Et aussi, tout comme en 2005, en ciblant exclusivement les hommes politiques, ministres et députés, qui eux sont des fusibles, comme à l’époque, la présence syrienne et non le staff politique, les manifestants risquent simplement de se tromper de cible. Il s’agit de cibler les bénéficiaires de ce système Pontzi avant tout pour récupérer une parties des sommes ainsi détournées mais de manière légalisées par des décisions d’hommes politiques qui représentaient les autorités libanaises
Il faudrait donc également viser les hauts fonctionnaires de l’état, souvent en place depuis des décennies et quasiment inamovibles qui dirigent en réalité la politique économique et monétaire de ce pays et qui ne peuvent, en aucune manière, prétendre la changer.
Pourtant Errare humanum est, Perseverare diabolicum
Mais il ne s’agit pas d’une erreur mais d’actes volontaires commis par ces personnes!