Dans un pays de saints intouchables même aux blagues, les seins sont interdits. Une nouvelle querelle sur le sexe des anges ou plutôt des interdits et des atteintes aux bonnes mœurs éclatent à la faveur de la circulation sur les réseaux sociaux, d’une photographie, celle d’une jeune femme – qui semble être d’origine étrangère aux dires de certains – qui sort une partie de son corps pour exhiber sa poitrine. Cela dans ce qui semble être la portion d’autoroute entre Batroun et Aamschit.
Oh horreur, oh désespoir pour certains qui s’offusquent jusqu’à s’étrangler de ne voir les ordures qui trônent sur le côté de cette autoroute pourtant primordiale reliant le Nord-Liban à la capitale, Beyrouth, dans un pays où la culture est désormais celle du Ma3leychi. Ceux qui positivent toujours sans voir l’inventaire de la situation et qui ainsi sont quelque peu responsables par leur incapacité à s’émouvoir autrement face aux scandales des crises des ordures, de l’électricité, de la pollution et passons sur le reste. Peut-être n’ont-ils pas attendu la légalisation à venir du Cannabis pour s’envoler bien au-delà de la réalité et vivent déjà dans un Paradis artificiel et botoxé?
Cet inventaire serait quelque peu fastidieux. Il faut au contraire critiquer sans cesse pour qu’enfin des solutions soient formulées et prennent forme.
Oh perversité pour les autres, au regard déjà attiré par la formidable campagne publicitaire qu’on pourrait alors tenir pour les touristes arabes en mal de chair fraîche un peu comme cette histoire de policières en short ras-la-touffe engagées à titre saisonnier à Broumana, qui de l’aveu même des autorités municipales étaient censées attirer le pervers du Golf ou de la Péninsule Arabique à la vue alléchée.
D’autres trouvent enfin cela normal, il y meilleur ou pire selon les points de vues. Il suffit parfois de ne pas aller bien loin, juste à 45 min d’avion, après tout juste 4 heures d’embouteillages locaux (et les formidables vues sur les déchets accumulés sur les bords des routes) et pour voir, seins et sexes se pavaner à la plage. Érection pour les personnes en manque assurée. Pour le reste, discrétion également assurée.
Tout est toujours une question d’équilibre entre exagérations d’une part par un conservatisme oriental qui au final n’est pas de bonne foi et qui jettent l’anathème à la moindre occasion et l’appropriation non pas des meilleures valeurs de ce qu’on croit, de l’Occident, mais des pires. Ces personnes pensent être les hérauts de ces valeurs pourtant également et largement critiquées dans cet Occident dont ils veulent adopter la Way of Life sans réellement en appréhender l’essence même.
La Culture, ce n’est pas le cul, et ce n’est pas choquer, c’est savoir apprécier une belle œuvre. En l’occurrence ici, la photographie est loin d’être d’un érotisme artistique à en titiller la vue ou les sens mais un épiphénomène comme beaucoup d’autres qui font l’objet de grandes discussions sur cette personne, son compagnon peut-être, à l’exemple de celles précédentes aujourd’hui oubliées sur qui couche avec qui, et des différents autres scandales ayant fait les grandes heures de ce qu’on croit être l’Elite pseudo -intellectuelle actuelle. Cette photo ne devient plus qu’une diversion bien dérisoire pour amuser la galerie face à une réalité bien triste.
La Culture, c’est le partage de valeurs culturelles, c’est le tourisme mettant en avant l’aspect patrimonial d’un pays qui est pourtant l’un des plus vieux au Monde, c’est l’Art avec un grand A, ce sont les grandes discussions qu’on ne peut qu’apprécier. La Culture, c’est beaucoup d’autres choses et il serait fastidieux de toutes les évoquer, mais surtout c’est le plaisir et l’appréciation des belles choses.
Mais pour autant, pour les libanais vivant dans un pays de paradoxes multiples et aux 50 nuances de crises, il serait déjà bien de commencer par pouvoir vivre heureux, avec la résolution de problèmes bien quotidiens qu’on n’ose même plus aborder.
Couvrez-moi alors ces seins que pourtant tout le Monde regarde pour nous atteler à ces tâches.