Pluies levantines

Les première pluies libanaises sont toujours impressionnantes, on est loin de la monotonie des précipitations habituelles en France notamment. On se prend à la vision romantique d’être Châteaubriant sous un arbre alors que tonnent les éclairs. Ces pluies sont courtes mais intenses et ne tardent pas à emporter avec elles les déchets accumulés à la belle saison, bouchant à l’occasion routes et chemin, les transformant en torrent au mieux ou en véritables rivières allant jusqu’à charrier les cadavres de nos excès estivaux et autres véhicules présents tentant tout de même de braver mère nature. On est donc plus proche du déluge que de la simple averse. Petit, je disais préférer la noblesse de ce temps levantin, déchainé, mais qui était poursuivi par des éclaircies magnifiées par des arc-en ciels à profusion, à la monotonie d’une longue pluie strasbourgeoise – mon autre pays – unique et trainant en longueur. Cet automne se semble pas attendre, il débute son premier jour avec exactitude, on pourrait croire qu’il pointe à son poste, il n’attend pas comme les autres années, espérons qu’il lui restera l’entrain et la volonté pour durer. Il avait quelque peu manqué ses rendez-vous l’année dernière, nous faisant même craindre une sécheresse hors saison. Il y a du boulot à rattraper.

Quelques souvenirs en vrac, moi gamin – je devais avoir 3 ou 4 ans – un peu avant une messe dite à la Sainte Famille de Jounieh, à l’époque occupée par des religieuses d’origine françaises mais de cœurs voués au Liban dont Sœur Hortense pour qui je garde une affection sincères malgré son décès il y a de cela une vingtaine d’années, je chassais l’escargot, il y en avait des centaines, peut-être même des milliers. J’en ramassais un, je jouais avec ses cornes et ses yeux, je les touchais, ils se rétractaient, j’étais un enfant à la découverte du monde qui m’entoure, la nature généreuse était ma maitresse d’alors. Autre souvenir, la magie de l’automne, en récréation dans mon école maternelle, il pleuvait mais il faisait beau, les nuages avaient décidé de semer leur récolte, jouant à cache-cache avec le soleil. J’étais émerveillé, pensez-vous, une averse sans nuage, au loin, un arc-en-ciel. Petit encore, de retour à la maison, je pouvais observer des heures durant les nuages passés et quelques tornades se formant au milieu de la Baie et qui s’effaçaient sitôt arrivées à terre.Premières pluies de la saison, alors même qu’on inaugure notre nouvel automne, les arbres ne tarderont pas à se parer de leurs atours de saison, couleurs partageant la richesse de la terre et le rouge écarlate. Les feuilles jonchent le sol, victimes de la lutte éternelle entre Hadès et Déméter pour garder le cœur de Perséphone, cette dernière s’en est allée rejoindre les enfers et rester auprès de son époux. Adad, fils d’Anu, lui ne tarde pas trop à répandre sur cette terre assoiffée, averses débutent, sillons creusent la terre, orages labourent le ciel. abreuvant à nouveau troncs et graines, les promesses d’une nouvelle fertilité. Ainsi va la promesse d’une nouvelle vie, d’un nouveau cycle.

Plus récemment, j’adore conduire, ce temps venu, les autoroutes libanaises donnent l’impression plutôt de barrer un bateau, d’être le capitaine au long court, survivant des tempêtes, les routes glissantes sont certes dangereuses, mais les décharges d’adrénalines -drogue elle naturelle – provoquées par le hasard des trous et par les autres conducteurs bravant la situation. Un jour, étant en retard pour un examen, j’ai roulé comme jamais alors que la visibilité n’était d’à peine que de quelques mètres. Il n’existait à l’époque aucune limitation de vitesse quant au reste, il n’y avait aucun interdit, aucune règle, Mad Max on Road. Une Opel Calibra avait essayé de suivre ma modeste Mégane Coupée. Il n’y a pas réussi et arrivé 5 minutes après moi à la fac, son conducteur s’était fait connaitre comme étant un pilote de rallye recherchant à me prendre comme son coéquipier en raison de ma virtuosité au volant. Et, il n’y a pas de quoi en être fier.

Aujourd’hui, ces averses me rappellent tous ses souvenirs, un passé…