Tripoli ou un Liban Oriental

Virée à Tripoli le 9 avril, il s’agit d’une première incursion dans la ville – capitale du Nord Liban et comptant 300 000 habitants -, ou je m’y étais pas rendu depuis plus de 10 ans et encore, il ne s’agissait que de la traverser en direction de Palmyre et sans y faire une halte. Que dire? Il s’agit d’une ville ou l’anarchie ne se trouve pas du coté ou l’on pense avec des allées modernes dans la partie reliant la vielle ville au quartier portuaire d’Al Mina qui est fait construite sur l’emplacement de la ville antique. Tripoli au Liban a été fondée par le regroupement des colons phéniciens de Tyr, Sidon et d’Aradon qui se trouve actuellement en Syrie, d’où son nom de ville Triple qui deviendra celui qu’elle porte aujourd’hui. Romaine, Byzantine, elle a été occupée par les Arabes à partir de 644 après JC puis occupée en 1109 par les Croisés pour 180 ans.

La deuxième partie de la ville s’est développée à la faveur de l’occupation Mamelouk autour de la forteresse de St Gilles à partir du 13ème siècle. Le développement urbain qui fait suite à celui -commercial- du port durant le XXème siècle a lié les 2 villes.

Première halte, château St Gilles et premières déceptions: être accueilli par des soldats de l’armée libanaise visiblement inquiets – l’un d’entre eux déclarant en Arabe à son camarade, nous prenant pour des étrangers qui ne comprennent pas cette langue, de ne pas s’endormir parce « qu’est ce qu’il se passerait s’ils étaient attaqués ». A ce stade, il faut rappeler que Tripoli est sujette à certains soubresauts entre sunnites et alaouites depuis quelques années, les uns ayant pris le parti du Courant du Futur avant et aujourd’hui des islamistes et les autres étant considérés comme proches du régime syrien actuel. 

La situation en Syrie s’étant encore dégradée, des analystes indiquent que cette ville est aussi aujourd’hui une base arrière des insurgés syriens. Cette situation « explosive » mériterait une analyse en bonne et dû forme mais cela n’est pas dans concept de ce blog, mais cela influera bien entendu sur notre visite qui sera relatée ici, comme en témoignent les quelques graffitis (pour ne pas parler du reste) présents dans la ville.

Le Château de St Gilles d’abord, il s’agit de la forteresse construite par le comte de Toulouse Raymond de St Gilles qui y mourut en 1105 en se jetant du toit, selon la légende locale. Il est construit sur une petite colline surplombant le fleuve Abou Ali – qui n’a de fleuve que le nom puisqu’il s’agit presque d’égout à ciel ouvert pour la localité et circulant entre les quartiers. Ce fleuve en réalité fait suite à celui de la vallée sainte chrétienne Qannoubine.

A l’entrée du Château, se trouvent plusieurs sarcophages saccagés par les pilleurs dont celui sus-jacent, une drôle de manière d’accueillir les touristes en présentant un patrimoine saccagé par le mercantilisme de certains… quoique, en voyant le patrimoine dans les autres libanaises, on n’en sera pas dépaysé en fin de compte.

Le Château en lui-même n’a plus grand chose à voir avec la bâtisse croisée, puisqu’elle largement remaniée par les mamelouks et les ottomans. Elle abritait une garnison ottomane au XIXème siècle et demeure aujourd’hui le siège d’une unité de l’Armée Libanaise.

Le Château héberge un Musée, malheureusement fermé. Il était ouvert à notre passage mais il semble qu’on nous ait « fermé la porte au nez » quand ses gardiens nous ont vu nous diriger vers sa direction … et pas seulement cela, les déchets et autres gravats s’entassent dans certaines parties … Direction ensuite les souks, un endroit grouillant de monde, normal il était midi et heure de la prière comme on peut le voir sur la vidéo:

On y découvre tout d’abord le Souk « normal » ou souk bazerkane, un  vrai souk bref fait des odeurs et des petites boutiques, viandes, poissons, herbes et autres maraîchers entremêlés, criant Homos et Batata. Cette partie constitue en réalité la vielle ville fondée par les mamelouks en 1289 qui ira en s’agrandissant vers Al Mina, la ville originelle située elle à coté du Port.

C’est un dédale de rues étroites, ou l’on trouve parfois de vielles maisons à la splendeur passée, illustrant un Tripoli riche oublié aujourd’hui, riche de ses échanges avec le hinterland arabe et la région de Homs jusqu’à Alep ou l’Irak. Tripoli était à l’époque la porte d’entrée des marchandises vers ces régions. Aujourd’hui, on ressent la paupérisation qui a atteint la population locale, laissée pour compte d’un état qui n’en a que le nom, paupérisation via les différents soubresauts que le Liban a connu, comme la guerre civile.   Les ruelles étroites et la musique du Muezzin font réellement penser au souk oriental, comme ceux qu’on voit dans les films, il s’agit peut-être du dernier souk digne « de ce nom » au Liban en fin de compte.

Les prix des marchandises sont très abordables par rapport à ce qu’on peut trouver dans les autres parties du Liban et notamment de la capitale. Tout est à 1000 LL.  C’est en passant par les différentes ruelles adjacentes qu’on arrive au Souk al Sayyagheen ou Souk des Bijoutiers ou se trouve également le Khan al Saboun ou Khan des savons, dernièrement repris par des entrepreneurs libanais basés à Dubai. Nous y avons faits la connaissance d’un des fils du propriétaire actuel qui nous fait exposé le travail de la maison. La savon est encore façonné à la main par une jeune femme voilée. Nous avons d’ailleurs été invité à prendre le café dans une annexe du Khan décorée à l’ancienne.

 Conseils:  Pour prendre des photos, il faut ou aller « à la main levée » ou demander la permission des personnes. Faire attention, Mesdames, si vous entrez dans certains magasins, les barbus locaux peuvent voir d’un mauvais oeil le fait qu’une femme puisse y entrer. Renseignez vous sur la « situation locale » avant de vous y rendre, choisissez une période d’accalmie et évitez de parler de la politique libanaise et Moyen-Orientale.  Dans les Mosquées, étant donné qu’on est des « Kafer », c’est à dire des incroyants, – ce qu’on a pu entendre de la part de certaines personnes barbues dans les souks …  -, demandez l’autorisation des religieux avant d’y pénétrer et respectez leur consigne…

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