Au Liban, quand on souligne certaines choses nĂ©gatives, certaines personnes critiquent en estimant « quâon nuit Ă lâimage du Liban ».
Il est certes facile de poster de belles images du Liban, mais il est plus dur dâaffronter la rĂ©alitĂ©:
Câest certain quâil faille fermer les yeux sur la corruption, sur la pollution, sur la misĂšre et sur un tas dâautres choses pour lesquelles il sâagit de ne pas se battre afin dâamĂ©liorer les conditions sociales et Ă©conomiques dâun pays et de ne pas changer. Il sâagit de se dĂ©tourner des dĂ©charges et de ne pas sentir les odeurs dâurines qui accueillent les voyageurs dĂšs lâaĂ©roport de Beyrouth. Il sâagit de nager dans les piscines au lieu de profiter de la mer bien polluĂ©es par ces mĂȘmes dĂ©charges si ne sont les Ă©gouts. Il sâagit de ne pas respirer aussi puisque la pollution aĂ©rienne est la plus importante au Liban â si on en exclu le Caire â dans la rĂ©gion.
Il est tout de mĂȘme Ă©trange que la population libanaise compte plus de membres Ă lâĂ©tranger, les chiffres Ă©voquant de 10 Ă 15 millions de personnes, contre 4 millions de ressortissants libanais au Liban mĂȘme. Un pays dont lâimmense majoritĂ© de la population se trouve ĂȘtre Ă lâĂ©tranger prĂ©sente par consĂ©quent un certain nombre de problĂšmes qui pousse cette population Ă quitter.
On connaissait le syndrome de Stockholm, le syndrome de la diaspora est donc quelque peu similaire:
Peut-ĂȘtre souhaitent-ils â ces exilĂ©s â garder une image dâun pays vierge mais par consĂ©quent, sâils se trouvent ĂȘtre obligĂ©s de rĂ©sider Ă lâĂ©tranger, ne serait-ce pas Ă©galement Ă cause de ces problĂšmes multiples, il serait prĂ©fĂ©rable dâĂ©voquer des dĂ©fis pour montrer quâil ne sâagit pas de choses immuables et quâon puisse les amĂ©liorer, quâils se trouve ĂȘtre Ă lâĂ©tranger. Ils devraient ainsi ĂȘtre les premiers Ă dĂ©noncer les crises de nos hommes politiques, le climat Ă©conomique, lâabsence aujourdâhui dâascenseur social, le manque de reconnaissance pour les personnes compĂ©tentes, le fait que lâĂ©conomie travaille plus sur des questions de rĂ©seaux de connaissances que sur les compĂ©tences intrinsĂšques des personnes, etcâŠ
Ce qui blesse le plus, câest que cette volontĂ© de positiver Ă outrage lâimage dâun pays dans plus voir sa rĂ©alitĂ© et qui ne le mĂ©rite actuellement pas et du fait principalement de personnes qui ne vivent pas au Liban mais Ă lâĂ©tranger.
Avant de se permettre ainsi de jeter lâopprobre sur ceux qui ont choisi â consciemment de relever ces dĂ©fis et de rĂ©sister -, ils devraient un peu partager la misĂšre quotidienne des habitants rĂ©els du Liban au lieu de faire trois petits tours durant les vacances et puis sâen vont.
AprĂšs tout, nombreuses sont ces crises dont ils sont peu un responsables dâune maniĂšre ou dâune autre en ayant quitter le Liban. Politiquement, ne pas ĂȘtre au Liban a permis Ă une classe politique quâon sait corrompu de se maintenir sur place. Pire encore, le manque de mobilisation de la diaspora lors des derniĂšres Ă©lections lĂ©gislatives augure du pire.
Ăconomiquement former un mĂ©decin, un ingĂ©nieur, cela coute une somme importante pour le Liban et gĂ©nĂšre par ailleurs des retours sur investissements dâautant plus importants que ce sont des Ă©conomies Ă©trangĂšres qui en bĂ©nĂ©ficient.
Une ONG amĂ©ricaine avait ainsi estimĂ© Ă 100 milliards de dollars les pertes intangibles dues Ă lâĂ©migration libanaise durant la guerre de 1975 Ă 1990 contre 9 milliards de dĂ©gĂąts matĂ©riels sur les infrastructures publiques et civiles.
Quand on souhaite rĂ©ellement changer les choses, les amĂ©liorer, il sâagit avant tout dâavoir une image rĂ©aliste, de voir les choses positives et les choses nĂ©gatives, un inventaire en quelque sorte, faire des recommandations et passer Ă lâaction.
Sâil sâagit dâĂȘtre patriotique, « puisquâil sâagit du Liban », au lieu de donner des leçons Ă celles et ceux qui ne les mĂ©ritent pas, il faudrait par consĂ©quent que la diaspora choisisse de retourner au lieu de rĂ©sider dans leurs « nouveaux pays », de proposer des solutions concrĂštes aux crises environnementales, Ă©conomiques et mĂȘme politiques libanaises puisquâelle possĂšde un certain know-how au lieu dâĂȘtre en admiration quasi bĂ©ate dâun pays qui â actuellement â nâexiste que dans leurs rĂȘve. Ils devraient alors â comme ceux qui se battent sur place aujourdâhui pour que toutes ces choses lĂ changent â participer Ă ce Liban idĂ©al auquel nous aspirons tous.