La situation Ă©conomique dâun pays est tributaire pour une grande part Ă un aspect psychologique mais au Liban, il semblerait que cet aspect soit prĂ©pondĂ©rant alors que la situation rĂ©elle est beaucoup plus grave que ce que le public ressent.
Câest seulement face Ă une menace de shutdown quâun gouvernement a pu Ă©tĂ© formĂ©. En effet, les mĂ©canismes constitutionnels ne permettent pas aux institutions publiques de fonctionner plus dâun certain temps avec les salaires et obligations de lâĂ©tat soient payĂ©s. Lâadoption dâun budget en 2018 avait en effet annulĂ© les dispositions « exceptionnelles » qui avaient tout de mĂȘme durĂ©es plus de 10 ans puisque adoptĂ©es par le gouvernement Saniora qui permettaient Ă lâĂ©tat de fonctionner en ayant une partie de ses mĂ©canismes non fonctionnels.
Pour revenir Ă lâĂ©conomie, lâarrivĂ©e dâun nouveau gouvernement, face Ă ces menaces de shutdown a quelque peu dĂ©tendu la situation. Cela est pour lâaspect psychologique de la situation. Câest lâĂ©quivalent dâun panadol quâon donne Ă un patient quand il a de la fiĂšvre.
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Cela ne veut en aucune maniĂšre dire quâil est guĂ©ri. LâĂ©tat peut dĂ©sormais honorer ses obligations et le paiement de ses dettes mais cela nâa fait que remettre Ă plus tard des questions qui sâavĂšrent ĂȘtre cruciale.
On assiste un dĂ©calage qui ne cesse de sâagrandir entre les tenants dâun discours officiel devant son public et les spĂ©cialistes Ă©conomiques, voir mĂȘme des organisations internationales qui soulignent de plus en plus que les fondamentaux de notre Ă©conomie se dĂ©gradent, sans que des mesures correctives immĂ©diates soient prises et cela est la rĂ©alitĂ©.
On a ainsi lâimpression dâune voiture dont les conducteurs continuent Ă accĂ©lĂ©rer, sachant pertinemment quâun mur se trouve en face et ne souhaitant pas Ă©viter le crash avec ce dernier.
Mais ne vous inquiĂ©tez pas pour les tenants du discours officiel, celui qui est optimiste, peut se le permettre. En cas de crise comme vers laquelle le Liban sâachemine, fort des informations dont il dispose, il a dĂ©jĂ pris en considĂ©ration les risques et les dispositions pour ne pas subir la crise Ă venir sur ses portefeuilles personnels.
Certes, on pourrait ne considĂ©rer que de bonnes nouvelles, 2 millions de touristes, le Qatar sâoffre 500 millions de dollars en bons du trĂ©sor, le Ministre des Finances rĂ©fute toute volontĂ© de restructurer la dette, pas de dĂ©valuation selon le gouverneur de la Banque Centrale, mais cela est vite aller en besogne quand on examine nos fondamentaux, comme la hausse des taux dâintĂ©rĂȘts sur les bons du trĂ©sor, le nombre de faillites puisque le Liban nâest pas un pays compĂ©titif, avec de nombreux secteurs en crise, comme lâimmobilier, le taux de croissance en berne de maniĂšre rĂ©guliĂšre, ou encore le taux de chĂŽmage qui ne cesse de monter pour concerner quasiment aujourdâhui la moitiĂ© de la population active.
Ces chiffres sont rĂ©els, scientifiques, cruels. Câest cela la rĂ©alitĂ© Ă laquelle nous sommes confrontĂ©s.
Et ne pas les affronter, câest encore aggraver la situation. Lâargent accordĂ© par le Qatar pourrait nous permettre de repousser certaines Ă©chĂ©ances de seulement 1 an. Pire encore, le Liban doit faire face au paiement de 15 milliards de dollars cette annĂ©e, une somme dont nous ne disposons pas. Un SWAP voir une restructuration de la dette publique sâavĂšre nĂ©cessaire.
Ces risques se reflĂštent toujours par exemple sur les emprunts publics dont les taux en 2019 atteindront 10.5% au lieu de 7.5% en 2018, aggravant encore notre dĂ©ficit public. Nous assistons Ă un vĂ©ritable cercle infernal dont on ne sait sortir. Câest cela le plus grave.
Et en dépit de cette situation, on continue à prétendre bien de belle choses. « Lebnan Ahla Balad », comme si des slogans pourraient non pas arranger les choses mais en tout cas nous faire perdre la notion de la réalité.
On dirait que lâĂtat est dĂ©sormais une personne accoutumĂ©e Ă des substances proches de la drogue, la dette, jusquâĂ lâoverdose qui ne pourrait plus trop tarder, mais avec des consĂ©quences graves, comme le dĂ©montre la dĂ©gradation des notes attribuĂ©es Ă notre endettement Ă long terme par lâagence Moodyâs en raison dâun dĂ©faut de paiement.
DĂ©faut de Paiement, dĂ©valuation, des mots qui fĂąchent et quâil ne faut surtout pas entendre
Le Mot Défaut de Paiement est désormais lùché, sur la place publique, tout comme le mois dernier le mot dévaluation faisait les grands titres.
La dĂ©valuation est une chose grave mais pas aussi grave dâun dĂ©faut de paiement. La dĂ©valuation peut avoir des effets moindres si on met en oeuvre des mesures pour conserver le pouvoir dâachat, par exemple en limitant les marges des importateurs ou les taxes.
Le dĂ©faut de paiement est beaucoup plus grave parce quâil sâagit tout simplement dans ce cas, dâun Ă©tat qui ne peut plus respecter ses obligations financiĂšres ni honorer ses employĂ©s.
Les investissements dans la dette libanaise sont dĂ©sormais relĂ©guĂ©s aux obligations pourries avec un classement Caa1 sur lâĂ©chelle de Moodyâs. Peut-ĂȘtre quâon va nous expliquer que cela nâest pas grave et quâon finira par sâen accommoder. On sâest dĂ©jĂ tellement de fois accommoder de choses plus graves les unes que les autres.
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Pourtant, à ne pas vouloir mettre en place les mesures pour les éviter en simplement oublier la réalité, nous finirons bien y arriver
Cette rĂ©alitĂ©, nous ne pouvons plus lâoblitĂ©rer par de beaux discours, emprunts dâoptimisme. Un investisseur ne peut ĂȘtre que sĂ©rieux, rational et considĂšre des Ă©lĂ©ments comme le risque que reprĂ©sente ces investissements. Il nâest nullement question dâinvestir au Liban « par patriotisme » ou « parce quâon aime ce pays », comme ce quâon entend ici ou lĂ de la part de personnes, qui, quand on Ă©voque des critĂšres scientifiques, critiquent le fait dĂ©jĂ quâon ferait alors peur Ă ces investisseurs potentiels. Il y a va du sĂ©rieux du professionnalisme des acteurs quâils soient institutionnels, comme le ministĂšre des finances, la BDL ou lâIDAL par exemple, de mettre en garde contre ces dĂ©rives et de proposer et surtout dâappliquer des recommandations pour amĂ©liorer ces fondamentaux au lieu de simplement dĂ©clarer que tout va bien et quâon vit dans le meilleur des mondes.
Il faut dĂ©sormais se retrousser les manches, travailler, amĂ©liorer la compĂ©titivitĂ© de lâĂ©conomie libanaise et â au cas oĂč on serait traitĂ© dâĂ©ternels pessimistes â des opportunitĂ©s existes. Il ne sâagit pas de quĂ©mander ou de mendier une aide, ici ou lĂ mais dâagir. Pour cela, un inventaire rĂ©aliste se doit dâĂȘtre fait.
Il ne sâagit donc pas dâĂȘtre optimiste, dĂ©magogue, patriotique ou pessimiste mais rĂ©aliste. Il sâagit dâaffronter la situation et de mettre en Ćuvre les mesures nĂ©cessaires. Le discours du rĂ©alisme Ă©conomique doit apparaitre parce quâil y a de la survie de la population qui ne pourra que comprendre quâon devra fatalement faire de grands sacrifices. Ce sacrifice devra ĂȘtre partagĂ© par des personnes plus nanties qui ont largement bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune sĂ©rie de mesures qui ont maintenu ce train fou aller encore plus vite, droit vers le mur.
EspĂ©rons que ce gouvernement soit formĂ© de personnes de cette trempe qui oseront affronter la situation et non Ă remettre Ă plus tard quitte Ă aggraver les choses, les mesures nĂ©cessaires. Et pour lâheure, la reconduction du Ministre des Finances, Ali Hassan Khalil Ă la tĂȘte de son ministĂšre augure du plus mal. On a simplement repris les mĂȘmes personnes pour une politique qui nous conduit droit au mur.
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