Étiquette : histoires courtes

In Excess

Elles s’appellent Nadia, Layla et Mira, elles ont une vingtaine d’année seulement mais sortent en expertes ce soir. Officiellement une soirée « Girly » à Gemmayzeh bien entendu, du moins pour les parents, d’ailleurs à leurs yeux, il n’y a que cela qui conviennent, à croire qu’ils préfèrent qu’elles soient lesbiennes qu’elles ne sortent avec un mâle. Et pourtant, s’ils savaient déjà combien de cœurs, elles ont défloré, plus ou moins jeunes, plus ou moins dépucelés, dansant sur les zincs des bars, alignant shot de vodka et de whisky, comme le prénom de leurs victimes, tels des avions de chasses mis au palmarès par les as de la 2ème guerre mondiale.

Nadia a tout d’une fille qu’on considère bien, grande, brune, élancée, d’un visage charmeur que seul une orientale peut avoir, ses yeux brûlent les sentiments des plus timides tel Méduse. Fille à papa, elle conduit une Porsche bien entendu, dont elle passera les clés négligemment à un voiturier comme si à peine remarqué, heureusement qu’ils existent ceux-là, elle n’aura pas à s’écorcher en tombant de ses talons hauts sur les trottoirs, pour le reste, elle les enlèvera une fois arrivée sur le bar. Il faut montrer qu’elle a de l’argent et qu’elle soit un bon parti pour trouver le bon mari. Pourtant, elle accumule les conquêtes, des « one night stand » comme on dit ici bas, elle chasse sa proie comme une mygale , sitôt arrivée sur place, déshabillant de son regard de braise sa future victime. Ce dernier se doit être étranger, chose bien étudié, pas de problèmes de religion et pas de conflit avec les parents à venir. Un matelot au long court, c’est encore mieux, ils sont justement de passage ce soir, un navire de guerre italien est amarré au port, l’équipage barre alors dans les bars du coin, avant que chacun souhaite faire bande à part, la proie n’est pas forcément chassée, attention, peut-être le jeu de rôle est passablement inversé.

Pourtant, Nadia n’oublie pas l’essentiel, il faudra bien tôt ou tard se caser, il ne faut donc pas tout à fait déconsidérer l’indigène local au cas où la grande occasion se présente, les meilleurs sont partis, ils ne viennent ici que pour trouver une épouse, sous la pression de leur famille et non une étrangère, d’autres sont restés, ils n’avaient peut-être pas le niveau pour oeuvrer pour l’étranger, enfin certains sont revenus par conviction, elle est aujourd’hui bien endeuillée. Elle cherche, non pas dans son lit mais pour son portefeuille et sa garde robe. Elle veut, non pas croire au prince charmant, il est plutôt grenouille par ici, mais il reste bon payeur. D’ailleurs, elle aussi, elle s’est faite une beauté à coup de bistouris, elle tenait tellement de son père, surtout au niveau de son nez d’où elle pavane aujourd’hui, une cigarette, mais à la fin, ils ont préféré tout refaire, ravalement de la façade, de la tête au pied en passant par les fesses qu’on a rétrécies, à la poitrine qui s’est ornée de nouvelles courbes, faudra bien que l’investissement en vaille la peine pour la famille.