A quoi bon, un gouvernement à la fin?

Le Liban n’a toujours pas de gouvernement depuis les élections législatives. Mais les administrations publiques continuent à tourner surtout mal que bien, cela alors que le temps commence à manquer en rapport aux échéances à venir.

En réalité, on voit quelque peu la différence, les précédents cabinets ministériels ayant pris toutes les décisions qui allaient dans l’intérêt contraire des populations, notamment en ce qui concerne les questions économiques, environnementales ou encore politiques. Crises des ordures en raison de l’impossibilité des autorités politiques à passer outre le fonctionnement régional sectaire, crises économiques avec la présence d’une importante communauté de réfugiés syriens impactant durement les infrastructures libanaises et provoquant des dissensions importantes entre réfugiés et autochtones, mais également crise économique en raison de la mauvaise gérance des politiques gouvernementales et monétaires. Crise politique enfin en raison des ingérences étrangères. 

Une annulation possible de l’aide économique au Liban

Contrairement aux précédentes fois, la situation est quelque peu différente sur un plan économique et politique, le Liban faisant face à plusieurs échéances cruciales pour son avenir largement impactée par la présence d’une importante communauté de réfugiés syriens. 

En effet, un certain nombre de prêts de la conférence d’aide au Liban CEDRE sont conditionnés à l’acceptation rapide des autorités libanaises qui tardent à être constituées d’où la mise en garde de la Banque Mondiale, ce que le Liban ne peut en avoir le luxe en raison de la fragilité de son économie. 

Le vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord, Ferid Belhaj, avait ainsi mis en garde le Pays des Cèdres fin du mois de Juillet 2018, sur l’annulation possible de cette aide de plus d’un milliards de dollars sous formes de prêts bonifiés, si la situation politique s’éternise. 

Par ailleurs, il est également convenu que l’initiative russe portant sur le retour de plusieurs milliers de réfugiés syriens notamment du Liban est limitée dans le temps et également conditionnée à la présence d’un cabinet gouvernemental. Moscou qui est devenu un acteur majeur de la région notamment suite à son implication dans le conflit syrien, commence même à s’inquiéter des retards pris dans la constitution de ce gouvernement Hariri III. (Lien en anglais)

Le refus du Premier Ministre nommé Saad Hariri à négocier avec les autorités syriennes sur tout sujet, y compris le retour des réfugiés, constitue l’un des principaux freins à la constitution du prochain gouvernement aujourd’hui et cela au détriment même des intérêts supérieurs du Liban, alors que la Syrie semble aujourd’hui terminer son conflit civil et entamer sa reconstruction, outre le fait également que les marchandises libanaises et en transit à partir du port peuvent désormais, via la Syrie être acheminées vers la péninsule arabique par transport routier. 

Le Premier Ministre libanais était pourtant impliqué dans la mise en place de la conférence CEDRE dont une partie des projets est là pour que le Pays des Cèdres puisse profiter de la reconstruction de l’économie syrienne. 

Des raisons internes au retard de la proclamation du prochain gouvernement?

Cependant, pour Saad Hariri, les raisons de ces retards sont avant tout et restent internes et non externes, par l’impossibilité à ce que les partis libanais puissent malgré tout s’entendre. 

Les critiques des partis politiques libanais les uns vis à vis des autres semblent augurer du plus mal pour le travail gouvernemental à venir. Comment pourrait avoir une solidarité gouvernementale entre Forces Libanaises et Courant Patriotique Libre ou entre Talal Arslan et Walid Joumblatt? Comment ces conflits qui tournent parfois sur un plan personnel entre Gébran Bassil et Nabih Berry pourraient amener à un gouvernement d’action nationale et non à un gouvernement de polémiques et de crises répétitives? 

Il semble ainsi aux yeux de la population que les différents entre les partis politiques actuels soient dûs en raison de paramètres internes. Cependant, on ne peut qu’en douter en raison des allégeances de ces derniers à des puissances étrangères qui aujourd’hui se disputent sur un plan international. 

Il s’agit avant tout des conflits entre Iran et Israël, entre Chiites et Sunnites, entre Syrie et Israël et entre Etats-Unis et Russie avec différentes sous équations régionales qui bloquent aujourd’hui la constitution de ce gouvernement faute que le Pays des Cèdres puisse internaliser ces enjeux. 

Peut-être que ces raisons pourraient être écartées déjà par un retour à la démocratie au Liban, avec la constitution d’un gouvernement qui ne soit pas un gouvernement d’union nationale, mais avec une majorité qui décide et une opposition qui critique. Les électeurs des élections législatives de mai dernier ont choisi des candidats sur la base de programmes et non des candidats sur la base d’un gouvernement d’union nationale. Il s’agit également de respecter ces choix tout autant critiquables qu’ils soient. C’est cela, en fin de compte, la Démocratie.