Beyrouth parmi les 7 plus belles villes du Monde ou le repos sur les lauriers de Césars

Exit Paris, Londres, New York, Los Angeles, Rio de Janeiro ou même Venise, Florence, Rome, Bruge et Saint Petersbourg, Beyrouth a été classée parmi les 7 plus belles villes du monde, mais ne nous y trompons pas, c’est un trompe oeil par rapport à la situation bien catastrophique de la capitale libanaise.

Comment une ville qui se vide de ses propres habitants, qui détruit son tissu socio-économique, ses commerces de proximité, au profit d’une population au mieux de passage par sa diaspora qui a encore les moyens d’y vivre et au pire par sa mafiacrature, une ville qui détruit son patrimoine, sa mémoire au profit d’immeubles de verre et de béton sans âme, comment une ville autrefois verte, connue pour ses jardins et ses vergers aujourd’hui remplacés par un fog qui n’a rien à envier à celui des londoniens, a pu en arriver là?

Beyrouth, elle consacrée, merci au chauvinisme des votes libanais et à l’ignorance des autres, n’a plus besoin de pleurer son histoire disparue, sa mémoire oubliée.

Peu importe que des militaires libanais meurent à ses frontières ou que d’autres soient tenus en otage, seules comptent ses boites de nuits, Gemmayzeh, Mar Michael et on se passera de nommer les autres lupanars. Poursuivons une fête égale aux orgies romaines précédant les invasions barbares et la chute de l’Empire, Daech est déjà bien à nos portes. L’insouciance nous perdra.

De la culture, de ses pièces des théâtres avant gardistes, de ses festivals ou se produisaient les vedettes mondialement connues, d’avant la guerre civile, il n’en reste que des pales copies. De son patrimoine assassiné après la guerre civile, n’en parlons même plus, à l’image d’un centre ville utilisé pour illustrer cette campagne.

De ces ruelles noires de monde ou tous se connaissaient, il ne reste aujourd’hui que l’anonymat d’un centre-ville quasi fantôme, vide ou se réunissent parfois quelques parlementaires, élection présidentielle oblige, sans aucune mesure par rapport aux images dont on a de lui dans les photographies d’antan, des clichés volés de ce passé, qui circulent parfois sur les réseaux sociaux et qui font les joies de ceux qui ne peuvent et qui ne veulent pas oublier la gloire dont ils ont été témoins et dont les témoignages s’éteignent les uns après les autres, quidams et inconnus ou plus célèbres comme Sabah ou Said Akl qui exultait l’exception libanaise par rapport aux autres pays de la région. On se contentera de la conformité monotone, de la robe transparente d’Haifa Wehbé que même notre nouveau voisin de calife a remarqué et des voix nasillardes de chanteuses dont le talent n’a été que d’aller chez un chirurgien esthétique.

Souvenons-nous du Beyrouth romantique des souvenirs de nos parents, du Beyrouth meurtrie pendant et après la guerre tel qu’on peut le voir dans West Beirut de Ziad Doueiri, de cette ville de Beyrouth séparée par la ligne verte, puis de Beyrouth réunie de Caramel de la non moins célèbre Nadine Labaki ou chrétiens, druzes et musulmans voulaient oublier leurs différences et non pas coexister mais vivre ensemble, avec l’apothéose d’un discours prononcé par Gébran Tuéni, place des Canons ou place des martyrs, au coeur de la ville, jurant de vivre tous ensemble dans un monde réel. L’utopie d’un scénario auquel on aspirait tous rejoignait alors la réalité. Le Liban vibrait alors avec le coeur de Beyrouth.

Ces fenêtres se sont définitivement fermées aujourd’hui sur notre mémoire, ce concours le consacre maladroitement. Il n’en reste déjà rien à l’image de ses habitants évacués parfois par la force de son centre ville, de ses immeubles rasés du jour au lendemain sans qu’on ne puisse se poser trop de question.

Refermons les portes du passé, rien ne sert de s’en souvenir, de cette grandeur passée, d’une Beyrouth verte, d’une Beyrouth belle, d’une Beyrouth vivante, d’une ville habitée ou il faisait si bon d’y vivre, si ce n’est pour mieux se faire du mal en y pensant.

Inspirée peut être par le scénario de Caramel, Beyrouth semble aujourd’hui subir la fameuse opération décrite dans le film et désignée comme étant celle du noeud du Dr. Stamboulis, de fille bien, passée prostituée, elle s’est refaite une virginité grace à ce concours, recoudre un hymen pourtant bien usé. N’en soyons pas complice, il faut rester réaliste par rapport à la situation,  Beyrouth est ainsi jugée pour son passé et non pour son présent qui a été violé ni même pour son avenir plus qu’incertain.

Ce n’est pas cette opération qui la changera après les affres et la souffrance qu’elle s’est elle-même infligée après tout et après tout, cela ne changera pas la vie des Beyrouthins qui ont déjà déserté bon gré, mal gré, l’enfer qu’elle est devenue, Ce n’est juste que du marketing pour « se faire voir », organiser de bons galas en charmante compagnie à faire apparaitre dans les magazines appropriés, se complaire présentement et s’auto-congratuler dans la médiocrité et passer à autre chose le lendemain, à une autre diversion et faire oublier  cette vie bien quotidienne.