Ces vergers qu’on assassine

Ces vergers qu'on assassine. 10/05/2011. Iphone.© Francois el Bacha. Tous droits réservés
Ces vergers qu'on assassine. 10/05/2011. Iphone.© Francois el Bacha. Tous droits réservés

Gamin, j’ai eu de la chance, j’ai grandi au milieu des vergers, remplis des senteurs, oranges, pommiers et roses d’Alep, sur les hauteurs de Jounieh. Il semblerait que cela fera parti des souvenirs effacés par une fièvre immobilière sans limite. Promenant ma chienne, il y a de cela 2 jours, une personne du voisinage m’a informé que ces vergers disparaitront prochainement, remplacés par des immeubles, béton et acier, en lieu et place de la nature domestiquée. Imaginez-vous donc, 5 immeubles de 6 étages, 2 appartements par étage, qui surgissent prochainement, 280 mètres carrés, 1 000 000 de dollars l’appartement. La clientèle n’est pas libanaise, elle serait saoudiennes, m’a-t-on dit.

Le patrimoine, ce n’est pas seulement les immeubles de Gemmayzé, de Monnot ou de Beyrouth en général qui sont menacés, mais également un certain art de vivre de la montagne libanaise. Ce n’est donc pas seulement la capitale libanaise qui soit menacée, mais également le cadre de vie de chacun. Les difficultés économiques des « indigènes » faisant, nul doute qu’ils ne pourront y résider longtemps.

Enfant, on passait à proximité d’une ferme. Ses occupants nous offrait alors un Manouché, l’Hospitalité Libanaise typique, ils nous invitaient chez eux, à jouer avec les bêtes de la ferme, un cadre idyllique en fin de compte, on ne comprenait pas notre chance. Les enfants du voisinages jouaient les Robinson Crusoé sur une île entourée de verdure, les cyclamens par milliers, la nature était généreuse, on les cueillait sans se soucier, les offrant ensuite à nos mères, contentes et ravies.

On peut douter que les prochains occupants de ses lieux seront aussi généreux, s’ils sont d’ailleurs présents, ce qui ne manquera pas de ne pas être le cas vraisemblablement. Ils remplacent le vert des montagnes du Liban, par – au mieux – une vilaine pierre habillant le béton. Le Liban deviendrait alors un pays fantôme, vidé de ses habitants, au tissu social inexistant. La boutique de quartier remplacée, le commerçant du fameux « Kleté bi Aouahad » appauvri, poussé à la rue, devant vider et fermer boutique. Quelques parcelles protégées ne suffiront à réanimer un pays en mal de nature, lâché par les siens sous le couvert de profits immédiats, au détriment de la richesse environnementale. La fouine que j’ai vu passer sur ses lieux même, il y a de cela quelques jours, finira aussi ses vieux jours, meurtrie, affamée, voir renversée par une voiture. La Nature se meure, et on est impuissant à arrêter ce massacre.