C'est toujours la faute des autres (et jamais la nôtre)

Il y en a qui parlent de manipulation des manifestants sur fond de rumeurs évoquant le versement de fonds d’ambassades étrangères, Arabie Saoudite, USA, et j’en passe. Evidemment que les puissances étrangères surveillent de près la situation. Et pour cause, la déstabilisation du Liban pourrait engendrer des conséquences incalculables sur la région qui n’est pas dans leurs intérêts respectifs, notamment en raison de la présence d’une importante communauté, syrienne et palestinienne.

Mais face à ces accusations, cela est vite oublié que tout ce qui se passe était prévu dans le cadre de la crise économique qui est de la responsabilité de nos hommes politiques mal conseillés par les acteurs comme la BDL, les banques, les politiciens qui ont des intérêts dans le BTP, et qui ont contribué à l’augmentation de la dette publique d’une manière ou d’une autre. Tous nos signaux économiques ont viré au rouge en une année seulement à cause de la mauvaise gérance de la chose publique, avec aussi un manque de transparence au sein des administrations publiques sur fond de rumeurs de corruption et de détournements de fonds.

Même les institutions internationales, FMI ou Banque Mondiale, mettaient les autorités gouvernementales précédentes en garde contre la crise qui est venue s’installer en raison de la poursuite d’une politique économique et monétaire en dépit de toutes les recommandations qu’elles soient « made in lebanon » ou internationales.

Il est quelque peu extraordinaire de voir l’union des libanais qui manifestent tous au final et qui dénoncent tous les mêmes choses même s’ils sont dans des camps opposés, à savoir la corruption, l’inefficacité de la classe politique quelle que soit l’appartenance religieuse. Ainsi, si les manifestants rejettent en bloc ces accusations, pour les autres, ces troubles ont été encouragés soit par les USA, soit par l’Europe, soit par l’Arabie Saoudite, soit par Israël, soit par la Syrie ou par l’Iran. Comme si nous avions en fin de compte, une coalition internationale contre le Liban.

Aucun pays, y compris Israël qui s’interroge sur le fait de demander à la communauté internationale de conditionner une aide économique au Liban au démantèlement de structures de fabrication de missiles iraniens au bénéfice du Hezbollah, n’a en réalité intérêt à la chute des autorités politiques actuelles. Les Etats-Unis ou l’Arabie Saoudite n’y trouveraient aucun intérêt aussi, puisqu’une déstabilisation du Liban pourrait pousser l’Iran et le Hezbollah au conflit. Que pourrait donc bien obtenir l’Europe si le chaos venait à s’installer durablement au Liban avec la menace d’un nouveau déferlement de réfugiés sur son sol via Chypre? On pourrait en dire autant pour la Syrie avec le retour de ces réfugiés sans que celui-ci ne soit contrôlé.

C’est pour cela que la communauté internationale soutient les autorités actuelles tout en dénonçant la corruption au final. L’inconnu du vide comporte plus de dangers que le maintien d’une classe politique où ils possèdent tous déjà des pions bien installés depuis parfois même 30 ans.

Alors qui blâmer? Ceux qui profitent de la crise pour leurs propres agendas ou ceux qui ont mis en place les conditions nécessaires pour en arriver là? 

Les Libanais aiment bien les théories du complot, accuser les autres, tout comme ils aiment se glorifier et ne pas voir les travers qu’ils ont. 

Lebnan Ahla Balad… oui avec 30 000 jeunes qui quittent ce pays chaque année, faute de trouver un emploi, avec la pollution qui nous tue à petits feux comme ceux qui ont dévasté juste avant les manifestations du 17 octobre nos montagnes, avec des différentiels de répartition de richesses qui font que la classe moyenne, vecteur essentiel d’une économie a disparu, avec une récession économique, avec des politiques économiques et monétaires de navigation à vue et non à long terme…
Oui, les manifestations ont été spontanées, certains ont essayé de les récupérer mais avant d’accuser de manipulation tels ou tels, il convient aussi de voir la justesse des causes sus-jacentes, comme la paupérisation d’une grande partie des libanais, 1.5 millions qui vivent avec moins de 6 000 Livres Libanaises par jour, qui expliquent pourquoi, aujourd’hui, le mouvement est loin de s’essouffler. Bien au contraire, parce que rien n’est révolu, nouveau gouvernement ou nouveau parlement…

En fin de compte, s’il y a eu faillite économique, c’est aussi parce qu’il y a eu une faillite de nos politiques eux-même qui se sont laissés corrompre et manipuler par ces puissances étrangères contre l’intérêt du Liban, preuve qui plus est, encore supplémentaire pour s’en débarrasser. Il est quelque peu risible de voir ces mêmes partis aujourd’hui accuser des puissances d’ingérence alors qu’eux-mêmes en ont été longtemps bénéficiaires.

Et la conséquence première est qu’aujourd’hui, le mouvement de contestation a transcendé toutes les barrières communautaires ou religieuses mises en place qui étaient autant de lignes rouges qui protégeaient les hommes politiques.

Mais cela est évidemment la faute des autres, jamais celle des libanais eux-mêmes qui ont été d’une patience exemplaire jusqu’à aujourd’hui. La culture du Ma3lachi est terminée. Le temps de la responsabilité est venu.