Crise des ordures: Sukleen, une compagnie contestée

Alors que le contrat liant l’Etat Libanais avec l’entreprise de ramassage des ordures Sukleen, s’est achevé le 15 juillet dernier sans être renouvelé et en l’absence de résultats en vue d’un remplacement de ses services dans différentes régions libanaises, il est opportun de rappeler l’historique de cette entreprise. 

Une création au sorti de la guerre sous le couvert de protections politiques

Suite à un appel d’offre lancé en 1994, le CDR confiera la collecte des déchets de la capitale, Beyrouth, à une  société n’ayant qu’une expérience sommaire dans le secteur mais dont le propriétaire était un proche de l’ancien Premier Ministre Rafic Hariri. Maysarah Khalil Sukkar avait quitté le Liban dans les années 1970 pour l’Arabie Saoudite et les activités de sa compagnie concernaient à l’origine l’offre de machineries industrielles.

Cette proximité fera courir différentes rumeurs dont le fait que cette société alimenterait les caisses du Courant du Futur. Depuis les contrats de la compagnie seront régulièrement reconduits, notamment en 1995 pour une durée de 5 ans, ou en 2006, toujours sans aucun appel d’offre concurrent, provoquant parfois des crises comme celles qu’on connait actuellement mais qu’on a rapidement oublié depuis.

La dernière tentative en date de réviser les contrats en cours a échoué lors du mandat du gouvernement Mikati, aboutissant au lancement d’un appel d’offre récent pour le ramassage des déchets dans différentes régions libanaises. Cet appel d’offre a échoué pour diverses raisons, probablement liées à certains trafics d’influence, évoque-t-on en coulisse.

Sukleen, Sukomi mais aussi la nouvelle marque locale du groupe, Atria, également présente au Liban et en charge de la gestion des poubelles publiques, aujourd’hui, sont directement liées à la compagnie Averda, et sont dirigées par Malek Maysara Sukkar. Ayant son siège social basé à Dubai, Averda déclare employer 10 000 personnes dans le Monde, avec des opérations qui se sont élargies aux Emirats Arabes Unis en 2008, à l’Arabie Saoudite, au Qatar et à Oman en 2009, à Abu Dhabi en 2010, au Maroc et à l’Irlande en 2012 et enfin à la ville de Luanda en Angola en 2014.

Des erreurs de Prévision et de Gestion

Une autre filiale du Groupe Sukleen, Sukomi, se verra confier le traitement des déchets et le stockage des déchets inertes dès 1997. La collecte des ordures sera étendues au Mont-Liban sauf Jbeil pour un coût de service supérieur en comparaison des autres régions libanaises. On évoque ainsi, un coût 3 fois supérieur aux services équivalents à Tripoli par exemple. Par ailleurs, Le contrat de mise en décharge qui a débuté en janvier 1998 prévoyait un coût par tonne de déchets mis en décharge de 35 dollars. Il prévoit  également un apport de 400.000 t/an de déchets, alors cet apport est en fait de l’ordre de 600.000 t/an, aboutissant à la saturation plus rapide des décharges existantes, dont celle de Naameh à l’origine du problème actuel, prévue à l’origine pour accueillir 2 millions de tonnes de déchets et qui en hébergerait plus de 15 actuellement.  Des experts indiquent notamment que le traitement des ordures n’est pas satisfaisant et que les unités en charge du traitement travaillent au-delà de leurs capacités respectives, aboutissant à la dégradation des produits qui sortent, notamment d’un composte de mauvaise qualité.

Par ailleurs, Sukleen, par l’intermédiaire de son PDG Malek Sukkar dans les colonnes du site Nouvelles Economiques Arabes en date du 23 juillet 2015, déclare actuellement ramasser 4 000 tonnes quotidiennement alors que des études indiquent que la zone couverte du Mont-Liban et de Beyrouth ne produisent que 2 500 tonnes de déchets en réalité soit 58% du total des ordures du Pays des Cèdres, selon des données rassemblées par SweepNet, le réseau régional d’échange d’informations et d’expertise dans le secteur des déchets dans les pays du Maghreb et du Mashreq. Un autre décalage…

Des coûts exorbitants imposés aux communes et un manque de transparence

Infographie. Les déchets au Liban - Les différentes zones de gestion de déchets au Liban, ainsi que les coûts respectifs et les chiffres clés à retenir (Juillet 2015). Crédit Libnanews.com, tous droits réservés.
Cliquer pour agrandir – Infographie. Les déchets au Liban – Les différentes zones de gestion de déchets au Liban, ainsi que les coûts respectifs et les chiffres clés à retenir (Juillet 2015). Crédit Libnanews.com, tous droits réservés.

Depuis sa création en 1993, Sukleen est financé par un fond assuré par la Caisse des Municipalité à hauteur de 130 millions de dollars selon certaines sources jusqu’à 200 millions de dollars par an, selon l’ancien ministre de l’Environnement Akram Chehayeb, générant selon le député Samy Gemayel, un profit de 2 milliards de dollars depuis le début de ses activités. L’amplitude des sommes évoquées démontre un certain manque de transparence quant à la gestion du dossier par les autorités publiques.

De nombreux responsables municipaux accusent, par conséquent, la compagnie de siphonner leurs fonds et ainsi de ne pas pouvoir mettre en exécution différents projets qu’elles jugent pourtant être nécessaires, à l’exemple dans certains cas, d’un réseau d’assainissement des eaux usées. Il existe d’ailleurs un décret de 1974 attribuant le ramassage des ordures aux municipalités qui ont été forcées de déléguer cette responsabilité via le CDR à Sukleen depuis 1993 jusqu’à aujourd’hui, amenant à la polémique actuelle quant au fait qu’il s’agisse d’un service public qui ne pourrait être délégué par l’Etat à une entreprise privée comme c’est le cas depuis.

Alors que le coût de ramassage avait été estimé au départ à 35 dollars par tonne, il atteindrait aujourd’hui, toujours selon certaines sources, jusqu’à 140 dollars la tonne, une somme largement supérieure aux prévisions. Cet autre décalage amène à certaines interrogations.  François el Bacha

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2Comments

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    • 2
      Francois

      Non Atria présente au Liban est une marque de Sukleen
      Si vous n’en croyez pas, vous pouvez vérifier le site d’Averda:
      atria
      atria is a contractual waste management company in Lebanon offering services that are directed towards the upkeep of private sector entities. The company’s range of services cover large scale clean-ups for events, beaches and cities, landscaping, and collection of all forms of wast

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