Déjà précédemment à la déclaration du défaut de paiement, il était déjà très attendu à ce que le secteur bancaire soit dans l’obligation de se restructurer, avec des fusions, des liquidations voire même des faillites en raison de difficultés à procéder à l’augmentation des fonds propres de ces établissements pour les préparer déjà au choc.
Après la déclaration du défaut de paiement de l’état, les banques libanaises sont d’autant plus impactées qu’elles détiendraient entre 14 milliards et 20 milliards d’Eurobonds, auxquels il faut ajouter les bons du trésor en livre libanaises qui sera probablement dévaluée comme cela est déjà le cas sur les marchés parallèles et les certificats de dépôts auprès de la Banque du Liban, elle-même en fâcheuse posture au final. Le secteur financier privé doit se restructurer pour un coût estimé à lui tout seul de 20 milliards de dollars, une chose qui n’a pas été accomplie jusqu’à présent.
Pour cela, il y a un mixe de solutions disponibles, avec comme déjà évoqué, des fusions, des rachats, qui faute de possibilités locales seront du fait de groupes étrangers si on en trouve encore qui s’intéressent à l’économie libanaise, ce qui est pour l’heure difficile à imager quand on voit que la grande majorité des groupes privés mondiaux ont abandonné le Liban depuis quelques années, il restera par conséquent des groupes institutionnels comme la BERD, BEI ou leurs équivalents dans le monde, des liquidations évidemment qui ont l’avantage de protéger les dépôts ou du moins une partie d’entre eux, et des faillites, qui ne garantissent les dépôts qu’à hauteur de la garantie bancaire, chose qui pourrait s’avérer difficile à mettre en oeuvre dans la pratique vue notre situation financière.
L’exemple chypriote
Une situation similaire a eu lieu, pas très loin du Liban, à Chypre au début de la décennie et pourrait inspirer de qui pourrait advenir au Liban dans ce secteur. SI les choses sont similaires, elles ne sont pas comparables, parce que Chypre, au moment de la crise en 2012 n’était endetté qu’à hauteur de 86% de son PIB quand le Liban est aujourd’hui endetté à plus de 166%. L’état libanais ne dispose donc pas des capacités financières que Chypre alors. Cependant, c’est la suite du plan qui est intéressante.
Ayant été amenée, tout comme le Liban à instaurer un contrôle des capitaux, l’île a pu bénéficier d’un programme de stabilisation européen et a, parallèlement, mis en oeuvre les mesures préconisées par le FMI. La recapitalisation du secteur bancaire chypriote avait été estimé à 50% du PIB à l’époque, pour 40% au Liban environ. Les dépôts ont été transférés à la Bank of Cyprus, première banque du pays pour en même temps condamner à la faillite la Laiki Bank, deuxième banque du Pays dont la majorité des actions étaient publiques.
Concernant la Bank of Cyprus, en dessous de 100 000 USD, les dépôts bancaires ont été sauvegardés, et au-delà, transformés à 47,5% en action de l’établissement, en d’autres termes, à un haircut.
Un retard pris en raison de la nature même du système bancaire libanais
Le problème qui intervient au Liban n’est pas un problème lié à la méthodologie, mais plus à son application. Le Liban compte trop de banques, trop petites pour pouvoir rester à la moindre crise d’autant plus que la crise est générale. Il suffit qu’un établissement craque pour que tout le château de carte s’écroule autour de lui.
Le principal facteur intervenant dans le fait que cette restructuration n’a pas encore eu lieu est liée à la structure même de l’actionnariat de nos établissements, plutôt familial, souvent liés à des hommes politiques qui ne souhaitent pas en perdre le contrôle. Evidemment que la dilution de ces parts pourrait amener en cas de haircut très probable à des questions des déposants, très légitimes, concernant la gestion passée. Ces dirigeants actuels sont mal placés pour assumer des positions de décision alors qu’il nous ont mené à cette catastrophe économie à leurs niveaux de responsabilité.
On ne en effet pas douter qu’ils n’étaient pas sans savoir que la croissance de leurs établissements n’était pas pérenne et se faisant par la vente d’instruments financiers défectueux comme la dette libanaise et comme le monde entier pouvait le savoir en lisant les rapports économiques des agences de notation, si tenté est de dire qu’ils ne possédaient pas dans leurs mains, ceux des rapports des départements de recherche économique de leurs banques. Et si cela n’est pas le cas, la question de leur compétence dans le domaine financier est à poser.
Des dirigeants protégés jusqu’à présent mais incompétents
Jusqu’à présent, les banques libanaises semblent avoir bénéficié de protections. Elles ont ainsi pu mettre en place un contrôle des capitaux via leur association et non via les institutions de tutelle, elles semblent être protégées des poursuites légales sur ce plan mais aussi sur le plan des transferts à l’étranger de sommes importantes, tout comme par le passé, elles ont bénéficié d’avantages importants avec des taux d’intérêts élevés sur les dépôts en livre et les bons du trésor, tout comme ils ont bénéficié par le passé de la fameuse ingénierie financière de la Banque du Liban qui a couté à la banque centrale 24 milliards de dollars pour donner 16 milliards de dollars de profits aux établissements bancaires, entre 2016 et 2018, généralement généreusement redistribués sous forme de dividendes pour les actionnaires au lieu d’être utilisés pour se renforcer face à une crise qui n’allait pas tarder à se matérialiser.
Evidemment face à cette crise actuelle, il faut remettre en cause ce genre de pratiques qui ont été nocives et qui ont au contraire aggravés la situation. Il convient de replacer la banque dans son rôle qui devrait être le sien.
Tout comme leurs dirigeants, les banques libanaises manquent de compétence. Elles ne savent plus investir les fonds de leurs clients dans autre chose que l’immobilier, en crise depuis 2013, et à laquelle elles ont également contribué en sur-injectant de l’argent pour les promoteurs, pour qu’ils construisent plus alors que le stock était déjà conséquent, ou que la dette libanaise avec les conséquences actuelles. S’ils sont tellement impactés, c’est tout simplement qu’ils n’ont pas été assez compétents pour réellement diversifier leurs actifs et les rendre moins risqués.