En 1959 déjà, Raymond Eddé, alors ministre de l’intérieur du gouvernement Rachid Karamé, estimait, un 22 février, nécessaire une loi permettant le mariage civil, conjointement avec le mariage religieux.
Il s’agissait donc, selon le ministre, de permettre un mariage civil obligatoire pour tous, puis, si les couples le souhaitaient, un mariage religieux facultatif mais qui cependant imposerait alors le statut personnel de leurs communautés avec leurs avantages et leurs désavantages.
Raya el Hassan, la précédente ministre de l’intérieur avait relancé le débat, 60 ans après son illustre prédécesseur mais avait dû reculer suite aux réactions négatives des chefs des communautés religieuses et notamment de celle de la communauté sunnite à laquelle, elle appartient, à savoir Dar el Fatwa.
Le débat auquel on assiste donc au Liban n’est pas nouveau et ces mesures ont été largement discutées lors des débats tenus suite aux évènements qui ont débuté en octobre mais quelque peu oublié par nos hommes politiques aujourd’hui. Ils sont plus préoccupés par maintenir un système économique que de réformer les institutions publiques ou même sociales.
Ce débat qui a eu lieu dans la rue est donc nécessaire.
Tout comme Raymond Eddé, Raya el Hassan échouera donc et il semble même qu’aujourd’hui, on fasse l’impasse à ce sujet, même s’il devient récurrent.
Un débat entamé pratiquement à la création du Grand Liban
La Société des nations avait en effet confié a la France le soin d’amener le Liban et la Syrie à un degré suffisant de développement et d’auto-administration afin de leur permettre l’accession à l’indépendance. En 1920, sera proclamé le Grand Liban.
En 1924, le Haut Commissaire Maxime Weygand avait proposé la mise en place d’un statut personnel unique pour toute personne de nationalité libanaise. Cela avait provoqué l’opposition de toutes les autorités religieuses.
En Avril 1926, Henry de Jouvenel, qui avait succédé comme autorité désormais civile en lieu et place des militaires à Maxime Weygand, avait décidé de transmettre les dossiers relatifs aux litiges au sujet des statuts personnels à des tribunaux civils sauf à ceux relatifs aux mariages.
Puis il envisagera d’unifier le statut personnel civil à celui relatif au Mariage civil. Cette proposition fera l’objet d’une opposition dure des instances religieuses qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes.
Dès son arrivé en 1926, Henri Ponsot nommé Haut Commissaire en charge du Mandat sur ce qu’on appelait alors le Grand Liban, souhaitait mettre un système régissant les différentes communautés religieuses.
Selon Henri Ponsot, Dans cet esprit, il fallait « élaborer un statut organique pour la Syrie et le Liban en accord avec « les autorités indigènes » et favoriser les autonomies locales.
De fait, les autorités du Mandat n’imposeront pas le statut du Mariage Civil sans l’accord des autorités libanaises ou syriennes d’alors.
C’est à son successeur Damien de Martel en remplacement d’Henri Ponsot envoyé en Syrie et au Liban pour occuper le poste de haut-commissaire de France au Levant qu’il reviendra de s’atteler à cette tâche en proposant l’arrêté dit 60 du 13 mars 1936, qui confère une personnalité morale aux communautés chrétiennes et musulmanes leur permettant de légiférer sur les questions de statuts personnels et de posséder des tribunaux religieux.
Tout en conférant un caractère confessionnel au statut personnel, Damien de Martel insère dans l’arrêté 60, la reconnaissance d’une communauté dite de droit commun, soit une exemption pour personnes qui ne désirent pas appartenir à une quelconque communauté. Il reviendrait à l’Etat alors d’organiser cette communauté civile dans les différents aspects dont celui du Mariage.
Face à l’arrêté 60, la communauté musulmane sera à l’origine de graves troubles, considérant qu’il accorde aux communautés chrétiennes et musulmanes un même statut sur un pied d’égalité et autorise la conversion entre religions et aussi un statut laic. Le Mufti de la République, Toufic Khaled s’adressera directement à Damien de Martel pour lui signifier son refus de voir appliquer de telles dispositions.
C’est alors que surgiront également des tensions confessionnelles. Les autorités Syriennes alors liées au Liban feront également part de leur opposition à ce projet.
À la même époque que sera organisé le congrès dit du Sahel par les notables musulmans qui revendiqueront un partage « équitable des fonctionnaires entre communautés religieuses », ce qui donnera aux administrations publiques libanaises un caractère confessionnel.
À la veille de la 2ème guerre mondiale, son successeur, le Haut Commissaire Puaux, à la recherche d’un calme social, signera l’arrêté 53 du 30 mars 1939 qui accordera une exemption pour la communauté musulmane enterrant ainsi également le principe d’une égalité entre communautés libanaises.
Dès lors, à chaque évocation de réformes du statut personnel par l’état comme en 1943 lors de l’indépendance du Liban, en 1951 lors de la reconnaissance de la communauté chrétienne, dans les années 1960 avec la création d’un statut pour les communautés musulmanes et encore dans les années 1998, le débat sur le mariage civil se heurtera à une opposition principalement du fait des autorités religieuses musulmanes.
La tentative d’Elias Hraoui pour imposer un mariage civil
En 1998, le Président de la République libanaise d’alors, Elias Hraoui, avait présenté au Conseil des ministres un projet de loi réformant le statut personnel facultatif et permettant une union civile allant des fiançailles jusqu’à la succession, en passant par le mariage, la garde des enfants et la pension alimentaire.
Ce projet sera adopté par le Conseil des Ministres par 21 voix pour, 6 contre et 1 abstention.
Le Premier Ministre Rafic Hariri qui était par ailleurs opposé à ce projet avait déjà consulté Deir el Fatwa, l’instance sunnite supérieure pour motiver son refus à apposer sa signature pour que ce projet ne soit pas présenté au Parlement.
Au final, le projet de réforme du statut personnel finira par être enterré.