La décision du Premier Ministre Libanais Saad Hariri qui sursoit à sa démission annoncée le 4 novembre dernier vise en fin de compte à sortir d’une crise provoquée par l’Arabie Saoudite.
Cette dernière avait obligé le Premier Ministre à démissionner suite au tir d’un missile yéménite sur la capitale saoudienne, tir dont elle accusait le mouvement chiite Hezbollah, lui-même présent au sein du Gouvernement Libanais. Pour rappel, l’Arabie Saoudite dirige une coalition contre les rebelles houthis à l’origine de ce tir.
Les autorités saoudiennes iront jusqu’à accuser le Liban de leur avoir déclaré la guerre. Cette situation a provoqué une véritable crise politique au Liban, crise cependant marquée par un sentiment d’union nationale.
En effet, beaucoup de libanais, si ce n’est la majorité, considèrent que l’Arabie Saoudite, sous les ordres du Prince Héritier qui conduit une véritable purge de l’ancienne garde royale en vue de succéder au Roi Salmane, détenait en résidence surveillée le Premier Ministre du Liban, par ailleurs également détenteur de la nationalité saoudienne.
En dépit d’une volonté de provoquer une crise du moins déjà civile, voir sécuritaire au Liban, les autorités saoudiennes n’ont pas été suivis par la rue sunnite libanaise, qui a fait bloc avec les autorités saoudiennes. Des rumeurs indiquent également que l’Arabie Saoudite aurait également tenté d’éveiller des cellules terroristes présents dans les camps palestiniens, sans succès.
Dénoncés par les autorités libanaises qui ont entamé un forcing diplomatique en Europe et dans le Monde, agacé par les accusations de détention de Saad Hariri, ce qu’elle démentait, l’Arabie Saoudite n’avait plus d’autre choix que de saisir la perche offerte par la France, c’est-à-dire, l’exfiltration du Premier Ministre vers Paris, puis son retour à Beyrouth.
Vers la notion de ni-vainqueur, ni vaincu
Cette procédure d’exfiltration ne réglait pas la question de la démission du Premier Ministre. Il s’agissait d’une part de réduire l’amplitude de la crise internationale provoquée par cette dernière et d’autre part, de poursuivre le sentiment d’union nationale le calme politique.
Sur le plan international, l’Arabie Saoudite ne pouvait pas accepter de paraître comme ayant poussé Saad Hariri à la démission, ce qui confirmerait les accusations d’emprisonnement du Premier Ministre. Il fallait donc qu’il démissionne. Cette chose aussi était tout autant inacceptable pour le Liban pour des raisons évidentes.
Sur le plan interne, il n’y a aucune personnalité politique actuelle capable de succéder à Saad Hariri et de constituer un gouvernement d’unité nationale. Sa présence à la tête du Conseil des Ministres est actuellement indispensable. Plus encore, la continuité des institutions politiques est nécessaires pour la poursuite des dossiers en cours, à savoir notamment le dossier des hydrocarbures dont un appel d’offre doit être étudié ou encore de l’organisation des élections législatives en mai prochain. Il ne pouvait donc pas faire démissionner son gouvernement.
Politiquement, la confirmation de la démission du Premier Ministre aurait eu des conséquences considérables sur sa carrière politique qui se serait achevée. Beaucoup auraient alors considéré ce dernier comme un homme ayant présenté son allégeance à l’Arabie Saoudite. La rue sunnite également aurai mal considérée un homme ayant été humilié d’une part en démissionnant et d’autre par en ne démissionnant pas.
Il s’agissait donc de sauver la face à l’Arabie Saoudite mais également de permettre à l’État Libanais de continuer à fonctionner, tout autant en sauvant Saad Hariri de lui-même. En d’autres termes, démissionner était nécessaire et ne pas démissionner l’était tout autant.
Une solution élégante a été présentée et c’est cette solution qui a été adoptée, Saad Hariri a donc démissionné et a suspendu ensuite sa démission permettant ainsi de contenter tout le Monde.