Riad el Solh, un des pères de l’Indépendance, a eu une trajectoire un peu singulière alors que le Moyen Orient et le Liban traversaient une période particulière.
Né en 1894 au sein d’une grande famille libanaise originaire de Saïda au Sud Liban, Riad el Solh sera premier Président du Conseil des Ministres Libanais à l’indépendance du Pays des Cèdres et cela de 1943 à 1945 sous la Présidence de Béchara el Khoury. Il entamera un deuxième mandat de 1946 à 1951.
Il sera assassiné le 17 juillet 1951 à Amman en Jordanie, par des militants du Parti Populaire Syrien (PPS) en représailles à l’exécution de leur fondateur Antoun Saadé le 7 juillet 1949. Ce dernier avait été jugé coupable d’une tentative de coup d’état.
L’héritage de Riad Solh se perdure jusqu’à aujourd’hui au-delà des frontières libanaises. Père de plusieurs filles, Alia El Solh, Lamia El Solh, Mouna El Solh, Bahigea El Solh, et Leïla El Solh, il est également le grand-père maternel du prince et milliardaire saoudien Al-Walid Ben Talal, et des princes Moulay Hicham, Moulay Ismail et Lalla Zineb, enfants du prince Moulay Abdellah et petits-enfants de Mohammed V, roi du Maroc.
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Un activisme politique qui a débuté très tôt
Etudiant dans ce qui deviendra l’USJ puis à l’école de Droit d’Istanbul, Riad el Solh se signalera très tôt aux autorités ottomanes en formant à son retour à Beyrouth en 1915, un groupe contre l’occupation de la Sublime Porte. Il sera condamné à mort mais verra sa peine commuée en raison de son âge contrairement à d’autres qui seront exécutés pour cette même raison par pendaison, Place des Canons en plein centre de Beyrouth entre 1915 et 1916.
Après la Première Guerre Mondiale, Riad el Solh se fera également connaitre en étant un partisan de Faysal qui sera proclamé unique roi de Syrie du 7 mars au 27 juillet 1920. Il lèvera le drapeau chérifien dans sa ville natale, Saïda, puis participera à toutes les batailles sont celle de bataille de Khan Maysaloun dans la banlieue de Damas.
Les autorités du Mandat Français le rechercheront en le condamnant à mort par contumace.
Riad el Solh, partisan ambiguë d’une Union avec la Syrie jusqu’en 1937
De retour au Liban, débutant de sa carrière politique, Riad el Solh se fera connaitre en menant une campagne en faveur d’une union avec la Syrie avec d’autres figures de la communauté musulmane sunnite.
Il collabore ainsi en 1924 avec son ami Kheireddine el Ahdab à la création d’un journal Al Aahad al Jadid ou il prône ouvertement pour une union avec la Syrie.
Il ne se ferait jamais élire, du temps du Mandat, à la Chambre, contrairement Kheireddine el Ahdab qui sera un temps évoqué comme Président du Liban ce qui amènera à la suspension de la Constitution Libanaise en vertu de l’arrêté LR/55 du 9 mai 1932.
Il participera également au 2ème Congrès du Sahel qui se tient en 1928 à Damas. Il s’agit d’un regroupement des principales personnalités sunnites ou s’affrontent 2 tendances, l’une dure qui réclame la fusion avec la Syrie et l’autre minoritaire qui accepterait l’indépendance du Liban tout en prônant une identité arabe pour le Pays des Cèdres.
Béchara el Khoury et Riad el Solh le Pacte National un compromis pour l’Indépendance du Liban
Dès 1928, Riad el Solh commencera à estimer nécessaire un ralliement de la communauté sunnite à l’idée libanaise face aux projets prônés par certains à une union avec la Syrie, estimant qu’un territoire libanais noyé « dans une patrie arabe » y perdrait son identité. Il fera ainsi parti de l’aile dite minoritaire du Congrès du Sahel.
Il s’agissait également d’éviter que le Liban figure comme foyer chrétien en Orient, à l’image du projet sioniste en Palestine, alors sous mandat britannique.
À la même époque, la France rejettera d’ailleurs la demande de colons de confession juive de s’installer à proximité des frontières sud libanaises et syriennes.
Se liant d’amitié avec Béchara el Khoury toujours dès 1932, Riad el Solh constatera que l’indépendance du Liban ne peut passer qu’en passant un compromis avec les milieux chrétiens de l’époque.
Pour Béchara el Khoury, le soutien de Riad el Solh sera primordial face à Emile Eddé, Président du Liban et soutenu par les autorités française du Mandat. Il voyait en la France, le seul rempart face aux demandes sunnites d’une union du Liban à la Syrie.
Plus de précisions
Le 19 septembre 1936, sera signé le traité Franco-Syrien. Damas accepte de facto un état libanais et reconnait implicitement les frontières entre les 2 pays. Se sentant désormais lâchée par la Syrie, l’aile radicale du Congrès du Sahel soutenue par une partie de la communauté sunnite manifeste et des heurts éclatent à Beyrouth, Saïda et Tripoli. Des dizaines de morts sont à déplorer.
S’ouvrent alors des négociations entre la France et les autorités libanaises en vue de signer un traité similaire en vue de préparer l’indépendance du Liban.
L’aile minoritaire, quant-à-elle, recherche désormais un compromis avec la communauté chrétienne libanaise. Riad el Solh avec Béchara el Khoury et d’autres dont Omar Daouk, Salim Salam appellent au calme.
Mais c’est au cours de la 2ème Guerre Mondiale que la situation s’accélèrera.
FOCUS SUR: Le Pacte National
En 1943, sera conclu entre les 2 hommes ce qu’on appellera le Pacte National. Il s’agit avant tout d’un compromis qui conditionnant l’accès à l’Indépendance, contre, pour la communauté maronite, l’abandon de l’influence occidentale, et pour les musulmans, l’abandon de la demande de l’union avec la Syrie ou tout autre pays arabe.
Il s’agissait alors de restreindre les influences étrangères déjà présentes au Liban et notamment l’influence française d’une part et de la Syrie d’autre part.
Il s’agit d’un pacte non-écrit faisant office de compromis avec la répartition entre les principales entités qui composent le peuple libanais, les maronites, les chiites et les sunnites.
À l’origine provisoire, il sera consacré par la pratique jusqu’à la conclusion des accords de Taëf.
Ces derniers confessionnaliseront le fonctionnement institutionnel de l’État Libanais et réduiront les prérogatives de la Présidence de la République.
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Ainsi, le pouvoir libanais est divisé entre:
- Les Maronites qui obtiennent la Présidence de la République et le Commandant des Forces armées qui deviendront l’Armée Libanaise. Le Président doit être élu par la Chambre des députés à la majorité des deux-tiers pour six ans.
- Les Sunnites obtiennent la Présidence du Conseil des Ministres, responsable devant les députés ainsi que devant le Président de l’Assemblée Nationale
- Les Chiites obtiennent la Présidence de la Chambre des députés
À cela s’ajouteront:
- Les Grecs orthodoxes qui obtiennent la Vice-présidence de la Chambre des députés.
Le Pacte National stipule également que le Liban est un pays arabe et de langue arabe. Cependant, est reconnu son lien culturel et spirituel avec l’Occident.
De fait de son arabité, le Liban devrait appartenir de ce qui deviendra la Ligue Arabe à la condition que ces états reconnaissent l’indépendance du Liban.
Riad el Solh à l’heure de l’Indépendance
Riad el Solh sera finalement élu député du Sud Liban au second tour des élections législatives le 5 septembre 1943. Sabri Hamadeh sera élu comme Président du nouveau parlement.
Le choses s’accélèreront avec l’élection par le parlement par 44 voix sur 47 au total le 21 septembre de Béchara el Khoury, Président de la République avec l’appui de la Grande Bretagne qui espère ainsi combattre l’influence française quelque peu diminuée par l’occupation de la France par l’Allemagne
Le Général Spears, citant l’article 49 de la Constitution libanaise qui empêche l’obtention d’un 2ème mandat consécutif, s’oppose à la réélection d’Emile Eddé comme souhaitée par la France.
Le Pacte National permettra à Béchara el Khoury d’être élu Président de la République par le Parlement, le 21 septembre 1943, par 44 voix sur 47. Il nommera alors Riad el Solh Premier Ministre comme convenu.
Béchara el Khoury chargera alors Riad el Solh de composer son Premier Gouvernement, chose qui sera faite le 25 septembre.
Sont nommés Premier Ministre et Ministre des finances, Riad el Solh, Vice Premier Ministre Habib Abi Chahla qui obtient également les Ministères de la Justice, de l’Education, Salim Takla des Affaires Etrangères et des Travaux Publics, Megid el Arslan, Ministre de l’Agriculture, de la Défense de l’Hygiène et de l’Assistance Publique, Camille Chamoun, Ministre de l’Intérieur, des Postes et des Télégraphes, et Adel Osseirane, Ministre du Ravitaillement, du Commerce et de l’Industrie.
Le 7 octobre, le gouvernement présente sa lettre d’intention, sans préalablement consulter le Haut-Commissaire français du Mandat, Jean Helleu.
Cette déclaration insiste sur la volonté du Liban à accéder à l’indépendance et appelle à ce que l’Arabe soit seule langue officielle du Liban. Il appelle également à l’instauration d’accords avec la Syrie pour la gestion des services dits communs.
Tout en ayant pu être constitué suite à l’application du Pacte National, qui régit le fonctionnement sectaire de l’Etat, en ayant permis l’élection de Béchara el Khoury et la nomination de Riad el Solh comme Premier Ministre, cette déclaration appelle à la fin du régime confessionnel.
Le 8 novembre, le nouveau parlement décidera de l’amendement des articles constitutionnels liés au Mandat Français. Le Haut-Commissaire Jean Helleu décidera alors d’arrêter le Président de la République, le Premier Ministre, son gouvernement et de nombreux députés. Ainsi s’enclenchera le processus qui amènera à l’Indépendance du Liban.
Cette même chambre annulera les articles constitutions relatifs au Mandat Français le 8 novembre. Le gouverneur Helleu réplique en arrêtant les dirigeants libanais dont le président de la République Béchara Khoury et du Premier Ministre Riad el Solh et des membres du gouvernement. Ils seront transférés à la citadelle de Rachaya.
Toujours le 11 novembre, 7 parlementaires (Maroun Kanaan, député du Liban Sud; Henri Pharaon, député de la Béqaa; Saadi Mounia, député du Liban Nord; Mohamad al-Fadl, député du Liban Sud; Saeb Salam, député de Beyrouth; Rachid Beydoun, député du Liban Sud; Sabri Hamadé, président de la Chambre et Khalil Takieddine, secrétaire général du Parlement) s’introduisent dans le parlement en dépit d’un blocus des Forces de l’Ordre et adoptent le drapeau Libanais.
Le Président de la République et son gouvernement ne seront libérés que le 22 novembre suite à un ultimatum britannique en leur faveur. C’est à cette date qu’on célébrera désormais l’Indépendance du Liban. Suite à cette crise, le Général Beynet, qui remplace Jean Helleu désavoué, rendra au Gouvernement Libanais la plupart de ses attributions.
Le 20 décembre 1943, seront remis les administrations et les services d’intérêts communs. Le Président de la République Béchara Khoury, soucieux de marquer la fin du Mandat Français créera les ministères des Affaires Étrangères et de la Défense et fera adhérer le Pays des Cèdres à la Ligue Arabe en octobre 1944 comme membre fondateur, comme convenu par le Pacte National.
Riad El Solh après l’Indépendance du Liban
Dès l’obtention de l’Indépendance du Liban, Riad el Solh avait réaffirmé son attachement à l’arabité du Liban, tout en insistant sur les équilibres confessionnels qui doivent régir l’état et ses administrations.
Il négociera également divers traités avec la France et la Syrie pour le transfert des services dits d’intérêts communs, comme la dissolution des unités du Levant permettant la formation de l’Armée Libanaise.
Concernant la Douane ou les services financiers, de la poste ou encore la Régie des Tabacks et Tombac, un contrôle conjoint sera assuré par le Liban et la Syrie, en dépit de l’opposition du Patriarche Maronite Mgr. Arida qui souhaitait une indépendance totale du Liban.
Le Premier gouvernement Riad el Solh démissionnera le 1er juillet 1944. Il sera chargé de former un nouveau gouvernement. Il s’agissait alors de remplacer Camille Chamoun et Adel Osseirane qui, en dépit d’être ministres, critiquaient de plus en plus vivement l’action de leurs collègues.
Ce gouvernement obtiendra la transmission de la Sureté Générale, la création de l’état major des Forces de Sécurité Intérieure.
Sur le plan de la politique étrangère, Riad el Solh refusera toute intégration du Liban dans un quelconque ensemble arabe, indiquant préférer l’entente islamo-chrétienne.
Le Liban signera le 7 octobre 1944, en la présence de Riad el Solh lui-même, le protocole d’Alexandrie qui créera la Ligue Arabe.
À partir de ce moment, son action commencera par être critiquée au sein même de sa communauté. Il finira par démissionner le 9 janvier. Lui succèdera alors Abdel Hamid Karamé.
Il sera renommé Premier Ministre, le 14 décembre 1946 jusqu’à son assassinat en 1951. C’est sous son mandat que sera créée l’Armée Libanaise confiée au Général Fouad Chéhab
Riad el Solh enterrera définitivement tout projet d’union en 1947, suite à l’adhésion du Liban à la Ligue Arabe. Il devra également gérer la question du conflit israélo-arabe avec la création d’israël en 1948 ou encore en février de cette année, la rupture de l’union monétaire avec la Syrie.
En 1947, le dirigeant du PPS Antoun Saadeh reviendra au Liban après 9 années en exil.
Après la réélection de Béchara el Khoury suite à l’amendement de la Constitution Libanaise, comme Président de la République en 1948, les difficultés s’amoncelleront.
Il formera un 5ème gouvernement en juillet 1948. Outre le conflit israélo-arabe, des crises avec la Syrie auront lieu.
C’est alors que de graves incidents se produisent à Beyrouth, entre parti Kataëb de Pierre Gémayel et PPS d’Antoun Saadé. Ils feront 1 mort dans les rangs des Phalangistes.
Le directeur de la Sûreté Générale, l’Emir Farid Chéhad indiquera alors, le 21 juin, détenir des preuves de l’implication d’Antoun Saadeh dans la préparation d’un coup d’état « en connivence avec les sionistes ». Sera menée une purge des membres du PPS présents au sein des administrations publiques, de l’Armée ou des Forces de l’Ordre. Antoun Saadeh entrera alors en clandestinité tout en faisant publier un communiqué réfutant ces accusations.
Il sera finalement livré par la Syrie, condamné à mort, le 7 juillet 1949 par le Tribunal Militaire. Béchara el Khoury signera un décret permettant son exécution qui sera faite par un peleton d’execution le 8 juillet à 15h40.
Le 30 septembre, Riad el Solh formera son 6ème gouvernement. Il devra également gérer des tensions nouvelles avec la Syrie notamment sur le plan monétaire jusqu’à la quasi-rupture des relations avec Damas en 1950.
C’est alors que la Syrie entamera une violente campagne contre Riad el Solh dénonçant son ingérence personnelle dans les affaires intérieures syriennes. Damas demandera par conséquent l’arrêt de toute négociation tant que ce dernier se trouve à la tête du gouvernement libanais en novembre 1950.
Le 7 juin 1951, sera nommé Abdallah Yafi premier ministre. Il succèdera ainsi à Riad el Solh, écarté suite à un conflit avec le frère de Béchara el Khoury.
À Amman depuis le 13 juillet 1951, Riad el Solh décèdera dans un attentat, le 16 juillet 1951. Il quittait alors le Palais Royal pour l’Aéroport et revenir au Liban. Les auteurs de cet attentat seront rapidement identifiés. Il s’agissait d’un commando de 3 individus, membres du PPS, qui entendait se venger de l’exécution d’Antoun Saadeh.
Suite à son décès, un deuil de 3 jours sera décrété au Liban
Mais une personnalité qui dénonce déjà le Confessionnalisme des institutions
Tout en soutenant le Pacte National, Riad el Solh estimera toutefois que le confessionnalisme porte en lui-même des risque pour le Liban. Sur ce point précis, l’Histoire lui donnera raison…
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