A la suite de la nomination de Mia Khalifé – d’origine libanaise – comme actrice pornographique la plus recherchée selon un site internet américain spécialisé dans la chose, la population libanaise s’est déchainée avec des réactions diverses, d’un coté les libéraux à tout prix, estimant que la jeune femme doit faire ce qu’elle désire de son corps, d’autres plus réactionnaires, qui prétendent que cet évènement contrevient à la culture locale et enfin des gens qui estimaient que ce débat n’avait pas à avoir lieu et qu’il s’agit d’une énergie gaspillée et une diversion par rapport aux problèmes plus fondamentaux par lequel passe le pays des Cèdres. Personne n’a osé ouvrir le débat plutôt religieux, l’actrice en question – chrétienne selon les différentes rumeurs – ayant été impliquée dans un film jouant une femme musulmane à la figure voilée, peut-être est ce la la résultante d’une certaine peur à ce que le sujet dérape…
A l’image du tatouage situé sur son coude gauche, illustrant les paroles de l’hymne national du Liban, le fameux Koulouna lil Watan, il revient ici d’ouvrir un débat citoyen, de synthétiser et de livrer une réflexion quant à ces différentes attitudes.
Tout d’abord, il est vrai que Mia Khalifé a le droit de disposer de son corps comme elle le désire comme toute personne adulte, ce qui est son cas et vaccinée. Il est également vrai que ce débat a pris de l’ampleur au Liban en raison de sa nationalité et donc du cadre socio-culturel dont elle est issue et non en raison du travail qu’elle effectue. Il est vrai également que ce débat est quelque peu exagéré, que beaucoup des dénonciateurs de Mia Khalifé ont déversé des larmes de crocodile, puisque les pays arabes sont les plus grands consommateurs de produits pornographiques mais quand il s’agit d’une affaire qui les concerne eux-même, ils jouent les saintes ni touches.
Domiciliée aux Etats-Unis, Mia Khalifé a posé la bonne question dans une réaction diffusée par elle même sur Twitter: Est ce qu’on a réellement rien d’autre à faire que de débattre sur l’objet de l’utilisation de son corps alors que des sujets plus importants nous concerne tous, comme l’absence de chef de l’état et le fait que Daech soit aux portes du Liban et que cette même organisation terroriste a depuis frappé le coeur de l’Occident avec la fusillade qui s’est déroulée au quotidien Charlie Hebdo. Ce même débat aurait concerné de nombreux pays ou de nombreux cercles y compris familiaux dans des pays pourtant libéraux. Le Liban n’en n’est pas exempté mais le débat est plus passionné et cela en rapport à l’élément culturel et le contexte dans lequel il est plongé. Elément de reflexion supplémentaire à ce sujet, la place de la morale, une morale qui évolue, ce qui était moralement interdit hier, est aujourd’hui permissif et demain admis, comme on peut le constater aujourd’hui avec le débat sur le Mariage pour Tous en Occident, hier honni, aujourd’hui accepté et demain peut-être généralisé. Mais est ce que l’évolution de la Morale reconnait-elle une limite? Est-ce que la Liberté des uns n’est pas aussi limitée par la Liberté des autres? Est-ce qu’on a le droit d’imposer aux autres ce que certains considèrent comme dépravé ou immoral? J’ouvre ici le débat sans répondre à la question mais est ce qu’au nom de la Liberté par exemple, pourrions nous accepter par exemple de voir comme il est parfois le cas, des gamines de moins de 18 ans seules, dans la rue, à moitié dénudées et saoules? Demain, sera-t-il moralement acceptable de tuer quelqu’un dans la rue pour une quelconque raison?
Face aux attitudes plus conservatrices, on peut également s’interroger. Est-ce qu’il est coutumier d’être dans un pays à vocation « bordélique », dont les femmes ont la réputation de part le Monde Arabe d’être plutôt des aguicheuses ou d’avoir des moeurs plutôt légères. Il suffit parfois non pas que la majorité féminine soit effectivement concernée mais qu’une minorité agisse dans ce sens pour que cette mauvaise image soit malheureusement généralisée. Il s’agit là de la résultante du clash des civilisations entre Orient ou les moeurs sont plutôt officiellement conservatrices – mais paradoxalement officieusement parfois plus libérales dans certains cercles – et Occident et le Liban se trouvant à cheval entre les 2, exacerbant justement ce débat parfois à son paroxysme, comme ici. Le Liban doit-il donc se considérer comme Pays Arabe ou Pays plutôt occidental ou revenir à un Ni-Ni malsain ou au lieu d’avancer, on se paralyse les uns les autres. Cela bien entendu démarque une attitude entre chaque communauté libanaise composant la Nation si elle existe réellement et même à l’intérieur de chaque communauté.
Personnellement, j’estimerais plutôt entrer dans le troisième cadre de la réflexion:
Le Liban est un pays ou rien ne va. Incivilités en tout genre, comportement de voyous à n’importe quelle occasion, problèmes sécuritaires quotidiens, encore aujourd’hui une fusillade a fait 2 victimes à Faraya, heureusement ils ne sont que blessés, démission de toute autorité, qu’elle soit politique, executive, sécuritaire et même dans d’autres cas familiale. Dans ce cas, n’est-il justement pas réellement le cas que beaucoup d’autres pays sont meilleurs que nous parce qu’on a pris le pire d’eux et non le meilleur, d’ou je rejoins une réflexion plutôt conservatrice face aux libéraux à tout prix? N’est ce pas la raison qui pousse justement 30 000 jeunes à quitter annuellement le Liban et à choisir le chemin de l’exil?
Critiquer Mia Khalifé, est une diversion aux problèmes socio-économiques et politiques et une manière à ne pas s’attaquer aux problèmes actuels du Liban. Force est de constater que le Pays des Cèdres n’a plus d’élite socio-culturelle qui pense par elle même et qui critique ouvertement. Nous avons a une pseudo élite socio-culturelle qui défend parfois l’indéfendable au nom d’une pseudo-résistance qu’elle appelle résistance culturelle mais qui n’a rien de culturelle. Au nom de cette pseudo-résistance culturelle, on permet à beaucoup de choses même inacceptables dans des pays très libéraux de se dérouler au Pays des Cèdres et on critique alors ceux qui disent qu’il y a quelque chose qui cloche, qu’il y a plus important à faire et de faire avancer la société libanaise dans le bon sens, c’est à dire à lui permettre déjà de faire face aux problématiques réelles, quotidiennes et non à s’en inventer ou en importer des nouvelles.
François el Bacha