C’est devant l’ampleur du phénomène des manifestations et désormais les analystes de la presse internationale n’ont pas tord de qualifier les évènements actuels de Révolution des Ordures, que le Conseil de Sécurité examinera le dossier libanais selon certaines rumeurs. On est tombé bien bas aujourd’hui. Tant les personnes au pouvoir que les partis politiques mais également que les institutions publiques n’ont pas compris le malaise social et économiques et se bornent simplement à résoudre à coup d’expédients, la question des ordures sans répondre aux interrogations et aux revendications autrement plus profondes d’une grande majorité de la population civile, à savoir avoir un état de droit et non un système de mafias qui monopolisent le pouvoir.
C’est ainsi que hier, des militants de #Youstink ont envahi le Ministère de l’environnement accusé de ne pas avoir accompli sa tache, dans la crise des ordures. Qu’ils aient eu raison ou tord de pénétrer dans cette institution, n’est pas la question, mais les Forces de Sécurité auraient également dû évacuer les hommes politiques présents, en raison de l’illégitimité de leurs mandats qui ont expiré, il y a de cela 2 ans avec le non-renouvellement du Parlement Libanais. Eux aussi, occupent illégalement des locaux publics. C’est bien cela qui est à l’origine de la crise actuelle.
Face à l’ampleur de ce mouvement, tant les partis traditionnels que le système confessionnel sur lequel il est basé, sont dépassés.
Quand d’autres Pays connaissent des crises de non-représentativité du pouvoir politique ou l’échec à former un gouvernement passé un certain délai, ces autres pays qui ont également un système parlementaire, convoquent alors le corps électoral. C’est le cas en Israël en cas d’échec à former une coalition gouvernementale, c’est le cas en Turquie qu’on pourrait aujourd’hui qualifier même de dictature d’Erdogan. Sommes-nous moins démocratique qu’Israël ou la Turquie?
C’est le cas aussi de démocraties, comme la Grèce ou l’Italie. C’est le cas de tout pays qui a adopté cette soupape de sécurité qui est la démocratie. Non, le Liban effectivement n’est pas un état démocratique, il s’agit d’une dictature parlementaire, composée de 128 membres collégiaux, qui nomment un président, qui votent la confiance au Gouvernement, qui cuisinent leur propre loi électorale, qu’ils changent d’ailleurs à chaque élection et qui poussent aujourd’hui jusqu’à prolonger leur propre mandat.
C’est pourquoi aujourd’hui, il s’agit de leur responsabilité qu’il y ait crise. Ceux la même qui ont été au pouvoir ou qui sont au pouvoir, refusent cette solution électorale parce qu’ils savent que le vote populaire leur serait plus difficilement acquis cette fois-ci. Ils cherchent à temporiser, à miner le mouvement. Une élection, cela coute cher au Liban, il faut bien payer ses électeurs. Le maintien au pouvoir à tout prix est une erreur qui explique aussi aujourd’hui l’ampleur des manifestations.
Ils ne savent répondre que par la tentative de décrire une politisation d’un mouvement populaire, par la violence, notamment à l’encontre de Lucien BouRjeily mais aussi par des tentatives de décrédibiisation de membres du comité à l’origine via l’exhumation d’un cadavre de billet en date d’avril 2014 dans le cas d’Assaad Thebian. Ils continuent à évoquer le sexe des anges et cherchent à provoquer des querelles byzantines. Peut-être ont-ils conscience, au fond, que sur les dossiers de notre vie quotidienne, des réformes du système social et économique, ils n’ont rien à dire, aucune vision à moyen ou au long terme et même aucun pouvoir à changer les choses. Remplir son portefeuille, quand on est un homme politique semble être un bien maigre lot de consolation en fin de compte. Triste réalité pour ces hommes de pouvoir que ne pas avoir ce pouvoir à changer les choses.
Il est étrange aujourd’hui de voir ces partis politiques dialoguer et se rassembler au lieu de leurs querelles habituelles, eux qui se disputaient même au sujet des couleurs, blanc, bleu, jaune, orange et vert. Etrange solidarité de ces mouvements autrefois ennemis héréditaires qui « serrent aujourd’hui les fesses » face au mécontentement populaire.
Mais peut-être est-ce là, cette incapacité de ces appareils politiques à ne pas avoir pu sentir la montée inexorable du malaise social personnifié aujourd’hui par l’élan de la Société Civile incarnée par le Mouvement #YouStink et le rejet massif de ce qui représentait le système adopté au sortir de la Guerre Civile qui nous faisait avaler des couleuvres de tout genre, corruption, meurtres, insécurité, coupures électriques, et d’eau et aujourd’hui même ordures, avec la subtile excuse d’un possible retour à la lutte fratricide en cas de protestation.
Aujourd’hui les ennemis d’autrefois discutent Forces Libanaises avec Courant Patriotique Libre, Courant du Futur avec le Hezbollah, Joumblatt avec tout les partis comme Amal d’ailleurs. Non pas que le dialogue soit néfaste, au contraire mais étrangement, dans ces dialogues, la Société Civile était bien absente. Elle s’est rappelée à leur bon souvenir par les dernières manifestations ou forte de sa légitimité, elle refuse de rentrer à nouveaux dans leurs jeux. Ils discutent, pour autant, évoquent-il des solutions sociales et économiques à nos problèmes quotidiens et cela leur accorde-t-il une nouvelle légitimité à leurs représentants au Pouvoir?
Le Système institué par les accords de Taëf montre désormais ses limites, les institutions gangrenées par des comportements quasi-mafieux sont dépassées. Ils – nos hommes politiques – craquent aujourd’hui mais plient aussi pour le moment comme un roseau au lieu de rompre. Ils tentent de récupérer aujourd’hui ce malaise pour mieux continuer à exploiter le peuple et offrent, face aux questions légitimes des manifestants, des expédiants, ramasser par exemple les ordures au mieux et non de les traiter. Toujours la forme au détriment du fond des problèmes.
Oublions la corruption quasi-institutionnalisée, oublions la paralysie du Système politique en raison du confessionalisme, oublions de mettre sur table, les dossiers critiques, oublions de réformer un système rigide y compris au niveau constitutionnel qui est incapable de fonctionner sans « conseils avisés venu de l’étranger », oublions leurs responsabilité. Oublions tout ce qui nous a mené à la situation actuelle. Selon eux, il s’agit d’être amnésique, sommes-nous trompé dans cet instant d’éveil patriotique en réclamant à avoir un état de droit? A les entendre, on dirait que oui.
Nous vivons – diraient-ils – dans un système parfait et dans le meilleur des Monde, alors que la communauté internationale est désormais consciente du fossé entre gouvernants et gouvernés, s’interroge et n’hésite pas à évoquer la question même de nos politiciens devant les instances internationales les plus hautes. Et de cela, tant le peuple lui-même que nos hommes politiques devraient avoir honte d’être arrivé à exposer ainsi nos ordures.
François el Bacha