La démission du Ministre de la Justice Ashraf Rifi révèle un malaise de plus en plus important au niveau du Courant du Futur et de la communauté sunnite libanaise.
En dépit d’importantes critiques sur les raisons de son échec dans l’affaire Samaha ou de ses dénonciations d’une mainmise par le Hezbollah sur les décisions gouvernementales ou sur les administrations libanaises, cette démission doit être vue pour ce qu’elle peut également être, un instrument politique en vue de règlements de compte à venir.
Selon les rumeurs qui circulent actuellement. le prochain Premier Ministre du Courant du Futur pourrait être Samir Jisr ou Nouhad Machnouk. Désormais donc, déjà coordinateur pour la région Nord et député sunnite de Tripoli, Samir Jisr serait également le principal concurrent politique d’Ashraf Rifi, au sein même du Courant du Futur et dans son fief du Nord Liban.
Face à cet adversaire potentiel, Ashraf Rifi tente ainsi de se ménager une place pour devenir premier ministre dans un avenir plus ou moins lointain comme il avait déjà été proposé à cette place en 2014. Ce discours est peut-être gagnant sur un plan local tripolitain mais aussi un discours perdant sur le plan national, un Premier Ministre devant être une personnalité modérée acceptables par toutes les communautés, qu’elle soit sunnite, chiite ou chrétienne. Ashraf Rifi, désavoué par Saad Hariri lui même – la crise entre les 2 hommes serait allée au point ou l’ancien Premier Ministre aurait déclaré que seule sa voix compte suite à la sortie du Ministre de la Justice qui a claqué la porte du Conseil des Ministres le 11 février 2016- , désormais isolé dans son propre camp, alors que des élections municipales sont prévues à Tripoli, tente de rebondir et place ses pions en musclant opportunément son discours le lendemain de la polémique concernant l’annulation de la donation saoudienne avec un double objectif:
- Consolider son fief de Tripoli où les discours politiques extrémistes ont toujours eu plus d’échos notamment au niveau des accusations visant le Hezbollah,
- Consolider son positionnement politique face au silence de Samir Jisr,
- contenter l’Arabie Saoudite en attaquant l’axe iranien chiite conformément à la politique actuelle du Royaume, alors que Saad Hariri, suite à la perte du prêt de 3 millards destiné à l’Armée Libanaise semble désormais avoir moins d’influence à la cour, comme en témoignent les difficultés actuelles de Saudi Oger.
De son côté, face aux difficultés politiques actuelles au sein même de la communauté sunnite, Saad Hariri prolonge son séjour pour tenter de remettre de l’ordre et rappeler qu’en dépit de son absence qui fut prolongée en raison de certaines circonstances, il reste le chef du Courant du Futur même ce poste est actuellement disputé par plusieurs personnes dont Ashraf Rifi, Fouad Saniora et peut-être par d’autres.
Le temps des grandes manoeuvres politiciennes au sein même du principal parti sunnite au Liban commence suivant plusieurs axes, d’un coté les partisans d’une ligne dure face au Hezbollah en conformité avec les instructions saoudiennes et de l’autre coté, les partisans d’une modération et du dialogue avec le Hezbollah. La première tendance est, pour le moment, en train de prendre le dessus comme en témoignent les derniers propos de Saad Hariri et de la déclaration du 14 Mars au sujet de la polémique de la donation saoudienne à l’Armée Libanaise.
Les jeux sont faits et décidément rien ne va plus au sein du Courant du Futur au final.