Aujourd’hui on commémore, oui on commémore, une bataille perdue qui a donné la victoire 15 ans après. C’est en effet les événements tragiques qui ont abouti à la chute des régions libanaises libres qui ont posé la problématique de l’occupation syrienne et la permanence du refus de la population face à cette occupation.
La guerre civile ne s’est pas arrêtée un 13 octobre 1990, sauf sur les calendriers officiels. Elle s’est poursuivie et elle se poursuit d’ailleurs toujours aujourd’hui, et ne fait pas partie de l’Histoire puisque nombreuses familles recherchent encore ce qui est advenu de leurs disparus, quelles que furent les idéologies ou les causes pour lesquelles ils se sont battus ou alors qu’ils étaient présents au mauvais endroit, au mauvais moment.
On a beau accuser les uns ou les autres de tords. Les plus mauvaises critiques sont celles qui enlèvent le contexte et qui jugent présentement la situation d’un point de vue épidermique, par haine de personnes et non pas par analyse des situations en oubliant l’Histoire. Il est vrai qu’on n’a pas d’Histoire commune pour avoir une grille de lecture commune. Il est vrai que jusqu’à aujourd’hui, le Liban n’est pas une Nation mais des Nations, d’où les multiples interprétations au détriment même de la Vérité factuelle qu’on a tant de mal à apprécier, tant parfois on en est loin.
Lors des événements et des manifestations des années 1988 à 1990, la frontière communautaire avait été une première fois transcendée, chose qu’on a retrouvé depuis un 14 Mars 2005, et même actuellement dans les manifestations des collectifs civils rejetant l’ensemble de la classe politique. Une expérience bien personnelle, pour la première fois, en tant que binational : j’étais fier de ma nationalité libanaise. Ce sentiment a disparu par la suite jusqu’en 2005. Pour la première fois, le Liban était une nation et non des communautés qui s’entre-déchiraient en raison de luttes pour d’autres. On ne peut oublier cela. On ne peut qu’en être fier.
Que certains divergent vers certains intérêts ou convergent vers d’autres intérêts, il s’agit simplement de politique. Quand on essaye d’isoler un parti, il s’allie à d’autres partis, c’est une résultante normale de la physique des particules politiques, de ces électrons libres qui gênent parfois. Ils auraient fait de même. Après la chose politique n’a pas de morale. Certains recherchent une morale ; c’est manquer de réalisme quant à ce choix de carrière.
On accuse aujourd’hui certains d’être à l’origine de tous les maux du Pays. La polémique est négatrice de la grandeur due à la commémoration de ceux qui sont tombés ce jour-là. C’est oublier une nouvelle fois l’historique, le contexte passé et présent et c’est aussi oublier les situations à venir. C’est oublier que ceux soutenus par ces mêmes personnes étaient elles-mêmes au pouvoir, et en ont abusé, elles aussi, collaborant même avec ceux et celles qu’elles maudissent aujourd’hui. Il était non pas de l’intérêt du pays mais de leurs propres intérêts parfois financiers même. La chair et faible, la tentation quand on est aux affaires est grande. Mais ce sont des accusations partisanes et en aucun cas œcuméniques comme le réclame pourtant cette journée si particulière.
En ce jour, les personnes voulant s’engager dans de nouvelles polémiques, sur « qui était où », ou « qui faisait quoi » à l’époque ou « qui fait quoi aujourd’hui » manquent de dignité. Un jour de commémoration n’est pas l’occasion de discussions partisanes stériles. Il suffit alors de leur rétorquer « où étiez vous ce jour-là et où étaient les gens que vous souteniez et/ou que vous soutenez aujourd’hui. Ils seraient bien mal en point de répondre et ainsi la polémique qu’ils tentent de créer sera dégonflée. Il convient de faire taire les polémiques sans en entreprendre de nouvelles par respect à la mémoire des personnes tombées.
Leur sacrifice n’as pas été vain. Bien au contraire. A la lutte armée, a succédé la lutte pacifique qui a abouti au départ des forces syriennes un 26 avril 2005. La liberté d’opinion en dépit des pressions à la faire taire s’est révélée donc être plus forte que celles des armes. Au 13 octobre 1990, chaque jour, la lutte pour la liberté du Liban se poursuivait en dépit de la collaboration de certains, ceux-la même qui brandissent certains principes qu’ils ont longtemps reniés. Les hommes peuvent changer mais les principes demeurent. Il s’agit aujourd’hui aussi de commémorer ces principes inaliénables qui sont la fondation d’une nation, ces principes qui rassemblent le peuple bien au-delà de la fracture politique avec laquelle on essaye de nous diviser.
Paix non seulement aux âmes des martyrs de ce jour du 13 octobre 1990 mais aussi à tous les martyrs morts pour le Liban Libre.
Par François el Bacha